Vladimir Poutine a été reçu en grande pompe par Emmanuel Macron, lundi au Château de Versailles. Pour leur première rencontre, les deux chefs d'Etat ont échangé sur des sujets brûlants.
Emmanuel Macron a accueilli lundi Vladimir Poutine au Château de Versailles avec une poignée de main appuyée et chaleureuse avant d'aborder une série de dossiers brûlants, au premier rang desquels la Syrie et l'Ukraine. Pour cette première rencontre entre les deux présidents, la France a déployé les fastes de la République dans un décor monarchique et somptueux, avec force tapis rouge et gardes républicains. "C'est la première fois que je viens ici et je suis très impressionné par la grandeur de Versailles et de son histoire", a d'ailleurs commenté le président russe en entame de leur conférence de presse commune. Avant de résumer avec son hôte ce qu'ils se sont dit.
Sur la Syrie
Le soutien de Vladimir Poutine à Bachar el-Assad, dans leur lutte commune contre l'Etat islamique, avait provoqué un rafraîchissement instantané des relations franco-russes : François Hollande estimait en effet que, s'il fallait lutter à tout prix contre Daech, Assad devait partir. Emmanuel Macron a tenu une ligne plus nuancé lors de sa première rencontre avec le président russe, estimant qu'il fallait "discuter avec l'ensemble des partis en présence" dans le dossier syrien, "y compris les représentants de M. Bachar al-Assad".
En revanche, Emmanuel Macron a maintenu une forte pression sur la question sensible des armes chimiques. Le président français a prévenu : "J'ai indiqué qu'une ligne rouge très claire existe de notre côté : l'utilisation d'une arme chimique par qui que ce soit", qui fera "l'objet de représailles et d'une riposte immédiate de la part des Français". En avril dernier, une attaque chimique en Syrie avait été imputée au régime d'Assad. Macron et Poutine ont toutefois rappelé que "leur priorité absolue", une expression mise en avant par les deux présidents, reste "l'éradication" de l'Etat islamique. En ce sens, ils ont annoncé la création d'"un groupe de travail" d'experts français et russes pour lutter contre le terrorisme.
Sur l'Ukraine
En conférence de presse, Emmanuel Macron s'est montré plutôt laconique sur ce dossier, mettant en avant une proposition unique : la relance d'échanges sur le format Normandie. Une référence au sommet, qui avait réuni en Normandie les chefs d'Etat russe, allemand, français et ukrainien, le 6 juin 2014 - en marge des célébrations des 70 ans du Débarquement de 1944. Dans ce cadre, le chef de l'État français a plaidé devant son invité russe pour qu'un "bilan complet de ces éléments puisse être partagé" et "en particulier" que "nous puissions avoir accès à un rapport détaillé de l'OSCE qui s'assure d'éléments structurants et importants dans la région".
Interrogé par un journaliste sur le sujet, Vladimir Poutine s'est fait plus prolixe en évoquant les "sanctions" actuellement en cours contre son pays pour avoir annexé la Crimée. Ces "sanctions" ne contribuent "aucunement" à régler la crise" ukrainienne, a déclaré lundi le président russe.
Sur le cas des personnes LGBT en Tchétchénie
Selon l'hebdomadaire russe Novaïa Gazeta, les autorités de Tchétchénie, où l'homosexualité est considérée comme un tabou, ont arrêté plus de cent homosexuels et incité leurs familles à les tuer pour "laver leur honneur". Toujours selon ce journal indépendant, au moins deux personnes ont été assassinées par leurs proches et une troisième est décédée des suites d'actes de tortures. Une affaire au retentissement mondial et dans laquelle Vladimir Poutine s'est rapidement trouvé en porte-à-faux.
Lundi à Paris, il a indiqué à Emmanuel Macron que "des mesures" pour faire la "vérité complète" sur les accusations de répression d'homosexuels en Tchétchénie avaient été prises. Des propos cités… par le président français lors de leur conférence de presse commune. "J'ai très précisément indiqué au président Poutine les attentes de la France", a ajouté Emmanuel Macron, précisant avoir "convenu" avec lui "d'avoir un suivi extrêmement régulier ensemble" sur la question. D'ailleurs, afin de faire passer le message, la France a accueilli lundi un premier réfugié tchétchène homosexuel, comme l'a révélé le site de France Info.
Sur les échanges franco-russes
Après leur conférence de presse commune, Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont inauguré une exposition au château de Versailles sur Pierre Le Grand, tsar de Russie entre 1982 et 1725 connu pour sa politique expansionniste et les nombreux liens tissés avec les grandes puissances européennes de l'époque dont la France de Louis XIV. "L'histoire nous enseigne que [Pierre Le Grand] est revenu de son voyage en France à Saint-Petersbourg avec quelques idées fortes, a glissé Emmanuel Macron dans un sourire. Pierre Le Grand c'est le symbole de cette Russie qui veut s'ouvrir à l'Europe."
"Nous avons partagé le souhait d'un échange plus intense et d'un dialogue constructif entre nos sociétés civiles, a ensuite annoncé Emmanuel Macron. Un forum franco-russe des sociétés civiles, le dialogue du Trianon si je puis l'appeler ainsi, sera créé." "Aucune des 500 sociétés françaises présentes en Russie n'ont quitté ce marché depuis les péripéties de ces derniers temps", a noté à sa suite Vladimir Poutine. Les deux présidents ont également insisté sur l'importance des échanges culturels entre leurs pays.
Sur eux-mêmes
Clairement, Emmanuel Macron a proposé à son homologue russe de remettre à plat la relation franco-russe. "Aucun enjeu essentiel ne peut être traité sans dialoguer avec la Russie", a d'ailleurs déclaré d'entrée le président français. "Je suis un pragmatique, j'avance", a-t-il tranché, plus tard, lorsqu'il était interrogé sur la rencontre entre Marine Le Pen et Vladimir Poutine pendant la campagne présidentielle.
Sur ce sujet, le Russe a tenu à s'exprimer : "Nous sommes prêts à accueillir tout le monde. Et quand Mme Le Pen nous a demandé de l'accueillir, pourquoi aurions-nous dû refuser? […] Elle a toujours prôné un développement des relations avec la Russie. Cela aurait été bizarre de l'avoir rejetée." Plus généralement, Vladimir Poutine s'est félicité de la présence, dans l'entourage d'Emmanuel Macron, de "beaucoup de russophiles". "J'espère qu'ils ne sont pas spécialistes de l'URSS mais de toute l'histoire de la Russie", a-t-il ajouté sur un ton plus léger.
En revanche, l'occupant du Kremlin n'a pas commenté le coup de colère d'Emmanuel Macron à l'encontre des médias Russia Today (RT) et Sputnik. En effet, alors qu'il était interrogé par une journaliste russe, le président français a estimé que "Russia Today et Sputnik ne se sont pas comportés comme des journalistes mais comme des organes d'influence et de propagande mensongère".
Par Gaël Vaillant le 29/05/2017 sur www.lejdd.fr
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