Vous partez au bout du monde cet été ? D'autres l'ont fait avant vous… et dans d'autres conditions. L'édition du soir consacre une série à ces voyageurs de l'Histoire et pas forcément les plus connus. Cette semaine, le voyage hors norme de Guillaume de Rubrouck qui, au XIIIe siècle, quelques années avant le célèbre Marco Polo, découvre l'Asie et le puissant peuple mongol.
Des voyageurs qui ont réussi à rallier l'Asie au XIIIe siècle, l'histoire a retenu bien entendu le célèbre Marco Polo et son livre Le Devisement du Monde, qui décrit les merveilles observées pendant son très long voyage (il restera dix-sept années en Chine). Un ouvrage auquel on fait encore le reproche d'être exagéré, car on ne sait pas très bien parfois ce que le marchand vénitien a réellement vu ou pas.
Chez les historiens contemporains, un autre écrit fait figure de source fiable pour décrire l'Asie d'alors : Voyage dans l'Empire mongol de Guillaume de Rubrouck. « Son récit par son caractère richement détaillé, la vivacité des images, l'acuité d'observation et le robuste bon sens, me paraît constituer un livre de voyages à plus juste titre que n'importe quelle série de chapitres de Marco Polo ; un livre certes à qui il n'a jamais été rendu justice car il en est peu qui lui soient supérieurs dans toute l'histoire des Voyages », écrira à son propos Henri Yule, spécialiste de… Marco Polo, au XIXe siècle.
Entre mission officielle et officieuse.
Frère Guillaume est natif du Nord de la France actuelle, un petit village nommé Rubrouck, à quelques encablures du mont Cassel (Flandres). Sa jeunesse reste un mystère, mais on sait qu'il devient moine franciscain, et, après avoir vécu à Paris, rejoint le roi Saint-Louis, d'abord à Chypre, puis en Égypte.
C'est alors que se dessine son destin : en discutant avec des religieux et des marchands ayant déjà parcouru des contrées lointaines, il commence à préparer un voyage dans l'Empire mongol, qui règne sur l'Asie depuis les conquêtes d'un certain Gengis Khan. Officiellement, il doit apporter des lettres aux souverains et « porter un secours spirituel aux chrétiens isolés dans les territoires mongols », indique François De Lannoy, historien qui a consacré un ouvrage aux explorateurs du Moyen-Âge (Explorateurs et grands voyageurs du Moyen Âge, Éditions Ouest France). Officieusement, il doit aussi apporter une description la plus précise possible de l'empire mongol à son souverain.
Le 7 mai 1253, celui qui parle flamand, latin, français, allemand, grec et arabe, se met en route depuis Constantinople d'abord en bateau jusqu'à Soudak en Crimée. De là, commence son épopée terrestre, avec des chariots tirés par des bœufs, dans lesquels il installe lits, chapelle, bibliothèque de voyage (!), vers le peuple mongol. Il est au début accompagné d'un autre frère, d'un clerc, d'un interprète et d'un esclave.
Premier ambassadeur européen à pénétrer à Karakorum
Son périple le fera traverser de nombreux pays actuels : Turquie, Ukraine, Kazakhstan, Turkestan, Mongolie pour arriver finalement devant le Grand Khan de l'époque, puis s'installer six mois à Karakorum, la capitale de l'empire (près de la ville de Kharkhorin aujourd'hui).
Le voyage, de 20 000 kilomètres aller-retour – parfois 120 kilomètres par jour –, n'est évidemment pas de tout repos : pendant deux mois, il ne voit pas de villes alors qu'il traverse la steppe sous une chaleur écrasante. Il est obligé de boire l'eau saumâtre des fossés. Les Mongols qu'ils croisent n'hésitent pas à lui faire subir moqueries et vexations « mais Guillaume de Rubrouck est quelqu'un de courageux qui en imposait », rapporte encore François de Lannoy.
Un récit d'ethnologue, de géographe, de naturaliste
Le récit de voyage qu'il couchera sur papier à son retour après 25 mois de pérégrinations (en découvrant d'autres pays tels que l'Arménie, la Géorgie et la Syrie), est particulièrement instructif pour l'époque, avec des descriptions détaillées : le lait de jument, boisson fermentée des Mongols qu'il finira par apprécier, les yourtes, le travail des femmes qui traient, conduisent les chariots et fabriquent chaussures et vêtements, les temples bouddhistes, rien n'échappe à sa sagacité.
« C'est un récit d'ethnologue du XIXe siècle, il est très précis, jamais dans le mythe, continue François de Lannoy. Il est aussi géographe en décrivant les paysages, et naturaliste avec les plantes. Il nous donne énormément d'informations sur l'empire mongol, alors qu'il y a peu de sources de cette époque. »
Pour l'anecdote, Guillaume de Rubrouck entamera son voyage retour vers l'Europe en juillet 1254. L'année de naissance d'un certain… Marco Polo !
Par Nicolas Montard le 26/07/2017 sur www.ouest-france.fr
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