mercredi 30 septembre 2015

Les Etats-Unis serrent les rangs avec les démocraties d'Asie face à Pékin et Pyongyang

En marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, monopolisée par la Syrie, le secrétaire d'Etat John Kerry a cherché mardi à serrer les rangs avec ses homologues japonais Fumio Kishida et sud-coréen Yun Byung-se, lors d'une rare réunion tripartite entre ces trois alliés militaires.

Il a aussi réuni M. Kishida et la ministre indienne des Affaires étrangères Sushma Swaraj: une rencontre trilatérale ministérielle inédite entre Washington, Tokyo et New Delhi que John Kerry a présentée comme le rendez-vous des "grandes démocraties".

Le "pivot", ou "rééquilibrage", de l'Amérique vers l'Asie-Pacifique est l'une des pièces maîtresses de la politique étrangère du président Barack Obama.

Avec les ministres japonais et sud-coréen, John Kerry s'est inquiété des "très importants défis en matière de sécurité" pour l'Asie du nord-est, citant la menace de la Corée du Nord et de son programme militaire.

M. Kishida s'est aussi alarmé de tensions persistantes en Asie orientale, montrant Pyongyang du doigt. C'est pour cela, a-t-il souligné, que "les alliances Etats-Unis/Japon et Etats-Unis/Corée du Sud pourraient être amenées à jouer un bien plus grand rôle" pour la sécurité de la région.

D'ailleurs, John Kerry a plaidé pour un "renforcement de la coopération mondiale et régionale avec deux alliés solides et fidèles", a rapporté le département d'Etat.

Au plan économique, le secrétaire d'Etat a vanté de "solides perspectives" pour l'Asie, grâce à l'accord de libre échange transpacifique (TPP) que les Etats-Unis veulent sceller cette année. Les 12 pays riverains du Pacifique qui le négocient (Etats-Unis, Canada, Mexique, Pérou, Chili, Japon, Brunei, Malaisie, Singapour, Vietnam, Australie et Nouvelle-Zélande) doivent se retrouver mercredi et jeudi à Atlanta (sud)pour trouver un compromis final.

La zone concernée pèse 40% du Produit intérieur brut mondial. Mais la Chine est exclue de ces négociations commerciales.

La Chine omniprésente

Pékin n'est d'ailleurs jamais mentionnée dans les déclarations diplomatiques publiques de Washington et de ses partenaires asiatiques.

L'ombre de la deuxième puissance mondiale est toutefois omniprésente.

Le président Obama avait reçu vendredi son homologue chinois Xi Jinping, en visite d'Etat. A l'exception de leur coopération contre le changement climatique, les deux rivaux ont étalé leurs désaccords sur le piratage informatique, les droits de l'homme ou les contentieux territoriaux maritimes entre voisins asiatiques.

En mer de Chine méridionale, Pékin revendique des droits sur des îles et y mène d'énormes opérations de remblaiement, accélérant la transformation de récifs coralliens en ports et infrastructures.

Washington et des pays d'Asie du Sud-est redoutent un coup de force du colosse chinois qui lui donnerait le contrôle, à partir de l'archipel des Spratleys, de l'une des routes maritimes les plus stratégiques de la planète.

Les Etats-Unis dénoncent une "militarisation" de la zone par la Chine et craignent un conflit armé. Pékin nie tout projet belliqueux mais le président Xi a réaffirmé vendredi, devant le président Obama, le droit de son pays à la "souveraineté" sur "des îles qui sont des territoires chinois depuis des temps immémoriaux".

Les Américains se posent en juges de paix impartiaux entre Pékin et l'Asie du sud-est, mais leurs déclarations des derniers mois penchent clairement en faveur des Philippines, de la Malaisie ou du Vietnam, en bute aux ambitions de leur puissant voisin.

Mardi, les Etats-Unis, l'Inde et le Japon sont également "tombés d'accord pour développer leur coopération en matière de sécurité maritime", selon un communiqué commun. Tokyo participera ainsi en octobre à des manoeuvres navales dans l'océan Indien entre Washington et New Delhi.

L'Inde, qui regarde aussi la Chine comme une rivale, a consolidé la semaine dernière son partenariat "stratégique et commercial" avec les Etats-Unis. Les deux "plus grandes démocraties du monde" veulent par exemple quintupler leurs échanges commerciaux, à 500 milliards de dollars par an. Soit, justement, le volume actuel des échanges entre Washington et Pékin.

Sur www.lalibre.be le 30/09/2015

L'Asie de tous les dangers

 
L’Europe a, aujourd’hui, non sans raison, les yeux rivés sur ses frontières et son environnement immédiat : migrations, terrorisme, guerre en Syrie, défi stratégique posé par la Russie… Ce sont des problèmes légitimement prioritaires. Mais nous devons aussi voir plus loin. Car dans notre monde interconnecté, ce qui se passe à l’autre bout du monde nous concerne tout autant. Et cette fin d’été nous a rappelé à quel point l’Asie était fragile.
 
On a beaucoup parlé, à juste titre, du krach de la Bourse de Shanghai et des risques que le ralentissement de la croissance chinoise fait peser sur l’économie mondiale. On a moins parlé du réveil simultané des trois principales zones de tension militaire du continent.
 
Depuis fin 2013, Pékin étend unilatéralement son territoire dans la zone maritime la plus contestée du monde, la « mer de Chine du sud ». Elle y construit des îlots artificiels et des infrastructures militaires. Or, un rapport du Pentagone, paru au milieu du mois d’août, nous apprend que cette politique dite des « remblaiements » a été beaucoup plus rapide qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Au grand dam des autres États riverains.
 
Simultanément, deux incidents frontaliers ont eu lieu dans des zones « chaudes ». Le premier s’est déroulé à la frontière intercoréenne : à la suite de l’explosion de mines antipersonnel dans la « zone démilitarisée », Séoul a repris la diffusion de propagande par haut-parleurs géants en direction du Nord. Les deux pays ont finalement réussi à juguler la crise.
 
L’un de ses enseignements est que le régime de Pyongyang semble terrifié à l’idée d’une « contamination » des idées démocratiques. Serait-il plus fragile qu’il en a l’air ?
 
« Un conflit majeur reste une possibilité »
 
Le second a eu lieu le long de la frontière indo-pakistanaise : dans la région de Sialkot (Pendjab du nord), des échanges de tirs ont causé une dizaine de morts – au moment même où Delhi et Islamabad tentaient de renouer le fil de leur dialogue bilatéral… Dans les deux cas, on a su éviter l’escalade. Mais un conflit majeur en Asie demeure une réelle possibilité, du fait d’une provocation nord-coréenne ou pakistanaise.
 
Ces tensions redonnent de la vigueur à la politique américaine du « rééquilibrage stratégique » en direction de l’Asie, inaugurée en 2011, mais un temps mise à mal par le réveil du monde arabe et la résurgence russe. Face à la Chine, nombre de pays voisins affirment de plus en plus clairement leur souhait de voir les États-Unis ancrer davantage leur présence dans la région. Le « rééquilibrage » n’est d’ailleurs pas seulement militaire. L’Amérique tente de conclure avec onze pays riverains un « partenariat transpacifique » qui serait, peu ou prou, le pendant du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement en cours de discussion à Bruxelles.
 
Ce qui l’amène à prendre ses distances vis-à-vis d’un autre projet, chinois celui-ci, de « banque asiatique pour le développement des infrastructures ». Et Washington de tenter de décourager ses alliés d’y participer… tout en souhaitant que la Chine puisse poursuivre sa croissance ! Le grand jeu asiatique a rarement été aussi complexe et aussi dangereux.
 
Par Bruno Tertrais* sur http://international.blogs.ouest-france.fr le 30/09/2015
* Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique

mardi 22 septembre 2015

L'OTSC arrive en Irak et en Syrie

L’intervention de l’OTSC contre le terrorisme en Irak et en Syrie peut être le début d’un ordre mondial fondé sur la coopération et la défense des populations ou, au contraire, d’une période d’affrontement Est-Ouest dans laquelle l’Occident soutiendrait ouvertement le terrorisme.
 
Contrairement à une idée reçue, ce déploiement militaire vise moins à défendre l’Irak et la République arabe syrienne que les États-membres de l’OTSC eux-mêmes. Il n’est donc pas négociable. Les débats de l’Assemblée générale de l’Onu et du Conseil de sécurité du 30 septembre permettront de connaître la réponse de Washington et de ses alliés à l’OTSC. Quoi qu’il en soit, plus rien ne sera comme avant.
 
Alors que la presse occidentale persiste à discuter d’un possible soutien militaire russe au président Bachar el-Assad, l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) a décidé de lutter contre le terrorisme en Irak et en Syrie.
 
Il semble que les Occidentaux n’ont toujours pas compris les conséquences de leur politique.

Une question existentielle pour l’OTSC

Rappelons que l’OTSC est une alliance militaire classique de six anciens États membres de l’Union soviétique : la Biélorussie, la Russie, l’Arménie, le Tadjikistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan. À la différence de l’Otan et du Pacte de Varsovie, dans lesquels les États membres perdent leur souveraineté (au profit des États-Unis et du Royaume-Uni dans l’Otan, de l’URSS dans le Pacte de Varsovie —ce qui contrevient à la Charte des Nations unies—), les États membres de l’OTSC conservent leur pleine souveraineté, ne placent pas leurs armées sous le commandement de la principale puissance de leur alliance, et peuvent se désolidariser à tout moment de cette alliance [1]. L’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Ouzbékistan se sont ainsi retirés librement de cette organisation pour se tourner vers le Guam [2] et l’Otan.
 
Depuis les années 80, —avant même que n’existent les États membres de l’OTSC— les États-Unis et l’Otan déploient un système de missiles, d’abord tourné contre l’URSS, aujourd’hui encerclant l’OTSC. Ces missiles, censés détruire les missiles intercontinentaux adverses dans leur phase de décollage, ne peuvent en réalité que détruire des aéronefs évoluant à faible vitesse et en aucun cas les missiles hypersoniques russes. Présentés par le Pentagone comme une arme défensive —ce qu’il était peut-être à l’origine—, ce « bouclier anti-missiles » ne peut donc avoir qu’un usage offensif. L’OTSC est le seul groupe d’États au monde à être ainsi directement menacé par des missiles pointés sur lui à ses frontières.
 
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’URSS puis les États membres de l’OTSC, assistent au recrutement des Frères musulmans par la CIA et à l’emploi de certains de leurs membres ou ex-membres par les États-Unis pour les déstabiliser [3]. Ainsi les hommes d’Oussama Ben Laden (formé par le frère de Sayyid Qutb) et d’Ayman al-Zaouahiri (qui avait rejoint la Confrérie un an avant l’arrestation et l’exécution de Sayyid Qutb) combattirent-ils l’URSS en Afghanistan, puis la Russie en Yougoslavie et enfin sur son propre territoire dans le Caucase [4].
 
En 2011, les États membres de l’OTSC ont assisté à une opération de l’Otan, le « Printemps arabe », visant à renverser des régimes ennemis aussi bien qu’amis au Moyen-Orient au profit des Frères musulmans (Tunisie, Égypte, Libye, Syrie). Et depuis 2014, ils assistent au triomphe de l’idéal des Frères musulmans avec la proclamation d’un califat remettant en cause à la fois le droit international et les droits de l’homme. Actuellement, ce califat a confié ses postes d’officier majoritairement à des islamistes venus de l’ex-URSS, parfois même de pays membres de l’OTSC.
 
Le 1er août, l’Ukraine et la Turquie (membre de l’Otan) ont annoncé la création d’une « Brigade islamiste internationale », formée de combattants d’Al-Qaïda et de Daesh, et stationnée à Kherson (Ukraine) [5]. Cette Brigade se propose de combattre la Russie en Crimée.
 
En d’autres termes, sauf à intervenir maintenant contre le terrorisme, l’OTSC devra bientôt affronter à la fois un ennemi extérieur, l’Otan et ses missiles, et un ennemi intérieur, les islamistes initialement formés par l’Otan.

La réunion de l’OTSC à Douchanbé

Le 15 septembre, l’OTSC a tenu la réunion annuelle de ses chefs d’État à Douchanbé (Tadjikistan). Comme je l’avais annoncé il y a un mois [6], le président russe, Vladimir Poutine, a présenté à ses collègues les études réalisées par ses armées sur la possibilité de combattre dès à présent le califat, avant qu’il n’entre massivement dans le territoire de l’OTSC.
 
Le président Poutine était parvenu à convaincre préalablement ses partenaires qu’il ne les engageait pas à soutenir les ambitions de la Russie en Syrie, mais bien de répondre à une menace directement dirigée contre l’OTSC.
 
En définitive, l’OTSC décida de se déployer en Irak et en Syrie pour combattre l’ensemble des jihadistes, qu’ils se réclament ou qu’ils soutiennent Daesh ou al-Qaïda. Cette opération est légale en droit international car elle répond aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies relatives à la lutte contre le terrorisme. Elle prolonge d’ailleurs l’opération, elle aussi légale, de la Coalition formée par les États-Unis contre le seul Daesh.
 
Cependant, à la différence de cette Coalition, l’OTSC entretient de bons rapports à la fois avec les gouvernements irakien et syrien ce qui lui permet d’envisager une bien plus grande efficacité.
 
De manière à préparer l’intervention de l’OTSC, un couloir aérien a été installé entre l’Organisation et la Syrie. Il devait au départ passer au dessus des Balkans, mais les alliés des États-Unis s’y sont opposés à l’exception de la Grèce. Ce couloir a donc été installé au dessus de l’Iran et de l’Irak. En moins d’une semaine, de très importantes quantités de matériel et plus de 2 000 hommes ont été acheminés. Techniquement, l’OTSC dispose de la capacité de déployer jusqu’à 50 000 hommes en moins de deux semaines.

Le forum des Nations unies

Par souci d’efficacité et sans préjuger de la bonne ou de la mauvaise foi occidentale, les chefs d’État de l’OTSC ont prévu d’intervenir devant l’Assemblée générale de l’Onu (à partir du 28 septembre) pour appeler la communauté internationale à unir ses efforts contre le terrorisme.
 
En outre, la Russie présidant le Conseil de sécurité pour le mois de septembre, Vladimir Poutine —qui n’est pas venu à l’Onu depuis une décennie— présidera la séance du 30 septembre consacrée à la lutte contre le terrorisme en Irak et en Syrie.
 
Dans le cas où la Coalition et l’OTSC trouveraient un accord, elles pourraient mener des actions communes ou se répartir le travail (l’Irak pour la Coalition et la Syrie pour l’OTSC). Dans le cas contraire, les deux organisations conduiraient des campagnes distinctes en essayant de ne pas se gêner mutuellement.
 
Du point de vue atlantiste, la campagne de l’OTSC profitera à la République arabe syrienne et garantira la poursuite du mandat du président élu Bachar el-Assad que l’Otan souhaitait renverser. Cependant, il est faux de prétendre que cette intervention a été conçue pour sauver la Syrie de l’Occident. En effet, lors de la préparation de la Conférence de Genève, en juin 2012, le président Poutine avait envisagé de déployer l’OTSC comme force de paix [7]. Le général Hassan Tourekmani, alors président du Conseil de sécurité national syrien, avait entrepris diverses démarches pour l’accueillir. Cependant, ce déploiement n’avait pas eu lieu d’une part parce que l’Organisation n’avait pas encore signé d’accord avec l’Onu [8] et d’autre part parce que deux membres de l’OTSC ne se sentaient pas alors directement menacés par la situation en Syrie.
 
Du point de vue de l’OTSC, la proposition faite aux Occidentaux les contraindra à clarifier leur politique. En effet, jusqu’à la signature de l’accord entre Washington et Téhéran, le 14 juillet, la Coalition anti-Daesh, loin de combattre le terrorisme, a parachuté régulièrement et à grande échelle des armes aux jihadistes. Cependant, au cours des dernières semaines, la Coalition a effectivement combattu Daesh. Ainsi, a-t-elle lancé, fin juillet, un bombardement massif en coordination avec l’Armée arabe syrienne et ses milices (le YPG kurde et le Conseil militaire syriaque) pour défendre Hassaké. Cette opération, que la Coalition n’a pas publicisée, permit d’éliminer environ 3 000 jihadistes.
 
En outre, la Maison-Blanche a d’ores et déjà indiqué qu’elle était ouverte « à des discussions tactiques et pratiques avec les Russes ». Le Foreign Office a déclaré ne plus s’opposer à ce que « le président syrien reste au pouvoir pour une période de transition si cela peut contribuer à résoudre le conflit ». Rejoignant le mouvement, le ministre français des Affaires étrangères a laissé entendre qu’il accepterait de laisser le président el-Assad terminer le mandat que son peuple lui a confié en déclarant : « Doit-on dire au peuple syrien que M. Bachar al-Assad détiendra le pouvoir exécutif au cours des quinze prochaines années ? Si on dit cela, il n’y a pas de solution possible. Entre dire cela et exiger le départ immédiat de M. Bachar al-Assad, il y a une marge. Cela s’appelle la diplomatie. » [9].

Conséquences de l’intervention de l’OTSC

Contrairement à une idée fausse répandue dans la presse atlantiste, la lutte contre le terrorisme en Irak et en Syrie n’est pas une affaire de décennies, mais de quelques mois pourvu que tous les États cessent leur soutien clandestin aux jihadistes.
 
Dans le cas d’un désaccord à l’Onu, la presse occidentale devrait dénigrer l’action de l’OTSC en mettant en valeur les pertes civiles. En effet, malgré toutes les précautions, il n’est pas possible de bombarder les terroristes sans « dommages collatéraux ». Chaque chef islamiste dispose de trois « épouses » et, suivant leur exemple, des jihadistes de plus en plus nombreux ont fait des prisonnières qu’ils ont réduit en esclavage et « épousées ».
 
Dans le cas contraire, on ne devrait jamais entendre parler de ces victimes et la guerre devrait être finie en Syrie pour la Noël orthodoxe, même s’il faudra une bonne année avant que la situation ne soit complètement stabilisée sur tout le territoire.
 
À retenir :
 
- L’OTSC interviendra à partir d’octobre 2015, à la fois en Irak et en Syrie, contre les individus classés comme « terroristes » par l’Onu, à savoir al-Qaïda, Daesh et tous les groupes qui se sont alliés à eux.
- L’OTSC ne cherche pas à venir en aide à Haïder al-Abadi ou à Bachar el-Assad, mais est directement menacée par les jihadistes.
- Les jihadistes ne sont pas en mesure de résister longuement à une alliance internationale si celle-ci inclut l’Irak et la Syrie.
- Les États-Unis, qui ont déjà mené secrètement une vaste opération conjointe avec l’Armée arabe syrienne à Hassaké, sont prêts à un accord avec l’OTSC. Leurs alliés britanniques et français sont prêts à renoncer à renverser la République arabe syrienne.
 
Par Thierry Meyssan sur www.voltairenet.org le 21/09/2015
 
[1] « Charte de l’Organisation du Traité de sécurité collective », Réseau Voltaire, 7 octobre 2002.
[2] Le Guam ou Organisation pour la démocratie et le développement est une alliance pro-US regroupant la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie ; quatre États visant à terme à rejoindre l’Otan.
[3] A Mosque in Munich. Nazis, the CIA and the rise of the Muslim Brotherhood in the West, Ian Johnson, Houghton Mifflin Harcourt, 2010. Version française : Une Mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des frères musulmans en Occident, Albin Michel, 2011.
[4] Les Frères musulmans ont été fondés par Hassan el-Bana qui souhaitait rétablir le califat après la chute de l’Empire ottoman. Ils présentent l’islam à la fois comme religion et comme système politique totalitaire tout en récusant toute dimension spirituelle dans leur lecture du Coran. Sayyid Qutb théorisa l’usage de la violence pour s’emparer du pouvoir, le jihad. Bien qu’officiellement les Frères aient condamnés après sa mort les écrits de Qutb, il reste le penseur de référence au sein de la confrérie.
[5] « L’Ukraine et la Turquie créent une Brigade musulmane internationale », Réseau Voltaire, 3 août 2015. Plus de détails dans : « L’Ukraine et la Turquie créent une Brigade internationale islamique contre la Russie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 12 août 2015.
[6] « L’armée russe commence à s’engager en Syrie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 24 août 2015.
[7] « Syrie : Vladimir Poutine propose une Force de paix de l’OTSC », Réseau Voltaire, 3 juin 2012.
[8] « L’OTSC pourra déployer des « chapkas bleues » sur mandat de l’ONU », Réseau Voltaire, 29 septembre 2012.
[9] « Audition de Laurent Fabius au Sénat sur les minorités persécutées au Moyen-Orient », par Laurent Fabius, Réseau Voltaire, 9 septembre 2015.

lundi 21 septembre 2015

Thunder Power : l’anti-Tesla venue d’Asie

 

Un design et des performances à couper le souffle

  

Il faut croire que l'américain Tesla inspire ou suscite la jalousie au vu des nombreux modèles présentés en version 100% électrique sur le salon de Francfort 2015. C'est le cas de Thunder Power, venu de Taïwan avec sa berline dessinée par Zagato. Mais sera-t-elle visible sur nos routes un jour ?
 
Depuis le succès de sa berline Model S — dont l'autonomie théorique avoisine les 500 km —, Tesla Motors est devenue la marque à dépasser. L'objectif étant ces fameux 500 kilomètres, sans oublier une puissance moteur digne de ce nom. On a vu les Allemands tenter l'exercice sous forme de concept-cars (Audi Concept e-tron quattro, Porsche Mission E...), mais voilà que l'Asie veut aussi sa part du gâteau avec la Thunder Power en provenance de Taïwan. Plutôt futuriste avec des lignes épurées, cette berline 4 places a été dessinée par l'atelier du fameux carrossier italien Zagato, tandis que l'équipementier Bosch s'est occupé des composants électroniques et électriques.
 
Sous le capot, les futurs clients auront le choix entre deux motorisations électriques : un premier moteur développant 230 kW (313 cv) et un second de 320 kW (435 cv). Pour cette seconde option, le 0 à 100 km/h est avalé en 5 secondes pour une vitesse maximale de 250 km/h. Question autonomie, Thunder Power annonce plus de 600 km avec une charge complète et 300 km après 30 minutes de recharge.

Reste à savoir si l'on verra un jour la Thunder Power sur nos routes. La première commercialisation est prévue en 2017 pour l'Europe et 2018 pour la Chine et les États-Unis. Question tarif, on évoque un prix autour de 55 000 €qui reste à confirmer…

Pour l'instant Tesla peut dormir sur ses deux oreilles et se concentrer sur la prochaine sortie de son Model X.

Thunder Power, filiale de Motomax spécialisée dans les deux-roues, officie dans les machines-outils électriques. Il était donc logique que le Taïwanais s'intéresse à la voiture électrique. Pour cela, la marque s'est entourée de quelques « pointures » : l'ingénieur Peter Tutzer, responsable technique, qui a plus de 35 ans de passé automobile (Porsche, Bugatti, Lotus et des collaborations pour Fiat et Peugeot) et Franz Schulte, responsable de la production qui a officié pendant 40 ans dans l'automobile, dont 30 années passées chez Ford.
 
Sur www.lesnumeriques.com le 21/09/2015

Le petit jeu géopolitique de la Turquie

Les autorités turques semblent être tombées sur un os. Dans un effort pour assurer sa position de leader dans le monde turc, Ankara a déstabilisé son propre pays qui se trouve sous la menace croissante d'une autre "révolution de couleur". Cependant, cette fois, la nature du combat sera interethnique.
Le fait que le flux principal de l'assistance matérielle aux militants de l'État islamique passe à travers le territoire de la Turquie fait parler d'elle. Tout cela est surprenant car recouvert du drapeau de l'aide américaine dans la lutte contre l'Etat islamique et les troupes du gouvernement syrien de Bachar al-Assad.

Ankara a activement soutenu (avec le plein appui de Washington) l'opposition syrienne : le siège de l'Association des groupes d'opposition syriens (le Comité national de coordination pour le changement démocratique) est basé en Turquie. Mais dans les rangs de l'opposition il y a de nombreux militants de l'Etat islamique. Ils étaient "parqués" provisoirementv en Turquie, où existe depuis longtemps des "bases de loisirs" légales, ainsi que des camps d'entraînement de l'"opposition syrienne". Un grand nombre de citoyens turcs se battent aux côtés des adversaires d'Assad. Et c'est la Turquie qui fut le principal canal d'alimentation de nouveaux partisans de l'Etat islamique à travers du monde entier.

L'établissement d'un centre de transport et de logistique si puissant ne serait pas possible sans l'autorisation et le soutien de l'extérieur et sans l'assistance des autorités de la Turquie. Et au premier plan apparaissent les intérêts de la même Maison Blanche, menant une lutte active contre Assad et sa tentative de renforcer sa propre position dans la région d'Ankara.

Si le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan se limitait au rôle de zone de transit, cela serait compréhensible. Ankara a longtemps été d'essayer de gagner l'attention des États-Unis et de l'Europe (le pire est qu'il est le seul membre de l'OTAN dans la région). Cependant, sous les auspices de l'agitation en Syrie, Erdogan tente de résoudre la question nationale de liquidation physique des intentions séparatistes kurdes pour la création d'un Kurdistan unifié. En fait, il était l'une des raisons pour le soutien actif de l'Etat d'Ankara de l'Etat islamique (les Kurdes se battent aux côtés des adversaires de l'EI).

Le rêve des Kurdes d'avoir leur propre Etat, y compris aux dépens de la Turquie, est le principal problème d'Ankara. Il a empiré depuis le début du conflit en Irak, où les Etats-Unis ont utilisé activement les forces kurdes de renverser Hussein. Maintenant, les Kurdes irakiens et syriens tout à fait légalement obtenu des armes et des approvisionnements en provenance des États-Unis et de l'UE pour la lutte contre l'Etat islamique. Et cela ne convient pas à la Turquie, qui craint sérieusement un renforcement les forces kurdes indépendantiste sur son propre territoire.

L'entrée d'Ankara dans une phase militaire active dans le conflit syrien se transforme finalement en une destruction des forces aériennes kurdes dans tous les territoires adjacents aux frontières des territoires turcs. Selon Ankara, sa volonté est d'exclure la possibilité d'un soutien par l'extérieur des Kurdes de Turquie. Tout d'abord, il existe une alliance entre les Kurdes du territoire autonome syrien Rojava et l'Armée syrienne libre (ASL) en Irak. Donc, la première chose que la Turquie a fait après son entrée dans la guerre, a été de demander à son armée de l'air d'attaquer les positions des Kurdes dans le nord de l'Irak.

Après cela, le gouvernement du Kurdistan irakien a appelé les militants séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à retirer ses troupes de leurs établissements afin d'éviter les victimes civiles dans les attaques des avions turcs. Dans le même temps, il a accusé les autorités turques d'avoir réalisé des frappes aériennes sur des cibles civiles en Irak et en Syrie.

Mais la chose la plus intéressante est que sous les auspices de la lutte contre l'EI, Ankara a commencé à utiliser activement la force sur son propre territoire habité par des Kurdes. Cela a été fait apparemment en réponse à une attaque terroriste dans la ville turque de Suruç situé près de la frontière syrienne. Malgré les blâmes de M.. Erdogan contre l'EI pour ce qui est arrivé, les représentants de l'État islamique n'ont pas confirmé leur participation.

Pendant ce temps, lors d'une réunion d'urgence de l'OTAN, M. Erdogan a exprimé l'idée de créer une «zone tampon» le long de la frontière turco-syrienne et la frontière turco-irakienne. Et bien que la raison officielle exprimée fut activité militaire de l'Etat islamique sur les frontières de la Turquie, l'idée de base était de liquider la menace kurde dans l'intégrité du pays et de garder sous contrôle tous les territoires habités par des Kurdes. Au Kurdistan syrien, le parti  "Union démocratique" (affilié avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui a lutté contre l '«Etat islamique» en Syrie) a pris le contrôle de 400 kilomètres de la frontière syro-turque.

En fait, aujourd'hui, la Turquie est confrontée non seulement à la menace extérieure de l'Etat islamique, mais aussi de l'intérieur, avec le renforcement des forces kurdes. Après une série d'attaques terroristes dans le pays, les autorités turques ont déjà commencé des raids à grande échelle, au cours de laquelle des milliers de personnes ont été arrêtées.

Il est possible que des troubles internes en Turquie puisse changer la politique de longue date d'Ankara. Ce n'est pas un secret que dans les deux dernières décennies, la Turquie est apparue (officieusement, bien sûr) comme la principale source de soutien moral et matériel aux mouvements radicaux à travers le monde turc. Tout d'abord, sur le territoire de l'Asie centrale et en Afghanistan. En fait, Ankara tente de tirer la couverture politique de «dictateur» et leader d'opinion pour tous les Etats de la région. C'est ainsi qu'il exerce son influence internationale dans le monde. Mais apparemment, Ankara devra faire face à un long et douloureux désordre politique interne dans lequel la politique de M. Erdogan a finalement conduit.

vendredi 18 septembre 2015

Au Japon, bagarre au Parlement lors d'un débat sur le pacifisme

 
Des sénateurs en sont venus aux mains, jeudi 17 septembre, dans l’enceinte très feutré habituellement du Parlement japonais, avant l’adoption, en commission, de nouvelles lois de défense autorisant l’envoi de militaires à l’étranger pour aider un allié en difficulté, une première depuis la seconde guerre mondiale.
 
La voie est désormais ouverte pour un vote en session plénière au Sénat, procédure qui entérinerait les textes et qui doit intervenir dans les heures ou jours à venir, malgré une opposition farouche.
 
Les nouvelles orientations de la politique de défense japonaise – qui prônent l’abandon de fait du pacifisme constitutionnel – souhaitées par le premier ministre, Shinzo Abe, divisent les Japonais. Jeudi à deux reprises, devant le premier ministre, impassible, des membres de l’opposition et de la coalition au pouvoir ont encerclé le président d’une commission spéciale et se sont bousculés et empoignés vigoureusement.
 
Le député d’opposition Tetsuro Fukuyama a ensuite prononcé un discours enflammé pour expliquer pourquoi son parti avait déposé une motion pour tenter d’empêcher l’adoption de cette réinterprétation de la Constitution pacifiste du Japon. Il a lancé au bord des larmes :
« Le parti au pouvoir écoute-t-il les voix du public ? Vous pouvez faire tout ce que vous voulez parce que vous avez la majorité. Est-ce bien cela que vous pensez ? »
 
Manifestations quotidiennes
 
La tension est montée, dans la nuit de mercredi à jeudi, après le report à maintes reprises du vote d’une commission, au cours de laquelle les parlementaires bloquaient les portes et encombraient les couloirs en signe de protestation.
 
Treize personnes au total ont été arrêtées dans la soirée de mercredi, selon les médias japonais« pour entrave à agent de police » pendant une manifestation qui a rassemblé quelque 13 000 personnes devant le Parlement. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues presque quotidiennement ces dernières semaines, dans un pays où les manifestations sont rares.
 
Bien que la Constitution actuelle, qui empêche les soldats japonais de prendre part à des combats en dehors de l’autodéfense, ait été imposée par l’occupant américain, nombre de Japonais y sont attachés et estiment que tout changement remettrait en cause le caractère pacifiste de leur pays, inscrit pour la première fois dans une Loi fondamentale, et pourrait aussi le précipiter aux côtés des Américains dans des conflits au bout du monde. Mais, pour le premier ministre, Shinzo Abe, ce geste est nécessaire face à des menaces grandissantes venant de Chine et de Corée du Nord.
 
Selon un sondage de l’agence de presse Kyodo, réalisé à la fin de juillet 2015, 60 % des personnes interrogées étaient favorables au maintien de la Constitution actuelle.
 
Le 17/09/2015 sur www.lemonde.fr