lundi 22 août 2016

Le Kirghizstan devient un foyer de déstabilisation en Asie centrale

Tout le monde est au courant que la Chine se développement tranquillement en Asie centrale (et pas seulement). Les relations commerciales avec le Kazakhstan n'arrive pas à se développer, la situation politique de ce pays est stable mais sous une forte influence de la Russie. Le Kirghizstan est devenu un morceau savoureux. Il y a encore des échos des révolutions de couleur dans ce pays, des conflits claniques à l'intérieur, et des organisations religieuses extrémistes occupent une position forte. En outre, ces derniers pratiquent un grand niveau de corruption.

À l'heure actuelle, il est prévu un couloir de transport majeur à travers le Kirghizstan qui permettra de relier la Chine au Moyen-Orient, la Turquie et l'Union européenne.

L'idée de construire un couloir de transit à travers l'Asie centrale est discutée depuis le milieu des années 90. Le flux de marchandises aller/retour entre la Chine et l'Europe est énorme, la route par la mer n'est pas chère, mais assez longue. Et, à une époque où le temps est de l'argent, chaque jour vaut de l'or. Le projet de chemin de fer "Chine-Moyen-Orient» fait partie d'une stratégie globale de développement de la "Route de la Soie" par la Chine. Au cours des 30 prochaines années, la Chine va élargir son impact économique, à la fois dans la région et plus loin dans le monde entier.

On suppose que le chemin de fer "Chine - Kirghizistan - Ouzbékistan - Turkménistan - Iran" va devenir une partie du lien "Chine – Proche-Orient - Europe", conditionnellement divisée en plusieurs parties. La première d'entre eux est la construction de la voie Chine-Kirghizistan. La ligne de chemin de fer sera de 472 kilomètres de long avec un écartement européen des rails de 1.435 mm. De plus, cette voie traversera les pays postsoviétiques (qui n'ont pas la même largeur, héritée de l'Union soviétique). Par ailleurs, la largeur de la voie a été l'un des points de négociation entre Bichkek et la Chine, au cours de la discussion des perspectives du projet. La discussion a duré longtemps et était très animée.

Le Kirghizistan n'a tout simplement pas d'argent pour mettre en œuvre ce niveau de projet à grande échelle : le coût de la construction du chemin de fer sur le territoire du Kirghizistan est estimé à près de 2 milliards $. C'est pourquoi la Chine va payer le prix de la construction. Le Kirghizistan, pour sa part, met à disposition son territoire à la Chine pour 50 ans pour la construction de routes et le développement de gisements. Ensuite, le chemin de fer doit passer par l'Ouzbékistan, le Turkménistan et l'Iran. Ce qui attire la Chine au Kirghizistan est clair : la situation géopolitique et les ressources naturelles.

Par ailleurs, la création d'un couloir à travers le Kirghizstan et l'Ouzbékistan porte d'énormes risques, à la fois logistiques et politiques.

Pour commencer, pendant le transport vers les ports du Moyen-Orient, les marchandises devront passer beaucoup de frontières : ils seront au nombre de quatre jusqu'en Iran. Ensuite, il y aura une autre frontière avec la Turquie, deux ferries sur le lac Van et à travers le Bosphore, et seulement après une arrivée en Europe. En d'autres termes, le transit serait trop cher et pas assez rapide.

Le deuxième risque est politique. La position actuelle du président Atambaïev n'est pas aussi forte qu'il veut le faire paraître. L'opposition a exprimé à plusieurs reprises des revendications aux autorités. Il ne faut pas exclure la possibilité d'un nouveau coup d'Etat militaire à Bichkek. D'autant plus qu'en principe, au Kirghizistan, avant les révolutions de couleur ce sont des scénarios similaires qui se développent.

La troisième menace est la croissance de l'islamisme et la transformation du Kirghizistan en un fief de l'Etat islamique sur le territoire de l'Asie centrale. Le Kirghizstan est le seul pays de la région, où est officiellement autorisé et même pris en charge par les autorités officielles, les activités de "Tablighi Jamaat" qui est une organisation constituant une base pour la formation des terroristes d'Al-Qaïda, des talibans et de l'Etat Islamique. Ces dernières années, les experts parlent de plus en plus de la menace croissante de forces déstabilisatrices, jouant la carte de la construction du Califat dans le pays.

L'Ouzbékistan se prépare également à repousser une attaque massive des islamistes, qui, selon les forces de sécurité ouzbèkes ont accumulé des dizaines de milliers de combattants dans le nord de l'Afghanistan. En cas d'actes de terrorisme sur le territoire d'un des pays de la région, il y aura automatiquement une propagation du feu un l'état «à risque» adjacent : l'Ouzbékistan et le Kirghizistan. Et le Kirghizistan, apparemment, est le premier à brûler.

Il y a une excellente alternative un peu plus au nord, à travers le Kazakhstan et la Russie, avec le même point d'accès à l'UE. Cette route est plus sûre, et il n'y a pas de frontières intérieures (les pays sont des adhérents à l'Union douanière).

La deuxième option est la route Kazakhstan/Turkménistan/Iran qui constitue un axe de transport international Nord - Sud. Par ailleurs, le projet chinois prévoit de connecter le Turkménistan à cet axe de transport, mais les chargements continueront d'avoir à se rendre en Iran pour la branche déjà construite. Aujourd'hui, il existe déjà un réseau de chemins de fer de la Chine aux frontières du Turkménistan.

Ces deux options sont très bénéfiques car elles impliquent des tarifs ferroviaires relativement faibles.

Et enfin, la troisième voie : l'autoroute Europe de l'Ouest/Ouest de la Chine.

Il se trouve que dans le cas de déstabilisation de la situation au Kirghizstan, la circulation des marchandises, qui passent par Bichkek, peut être suspendue, car il y a beaucoup de couloirs alternatifs sûrs. Mais le pays ne recevra plus les 200 millions de dollars en chiffre d'affaires annuel de transit. Il restera alors quand même au Kirghizstan à rembourser des milliards de dollars, qui lui avait été donné par la Chine pour la construction de la route et le développement de ses ressources naturelles.

Asie du Sud Est : enfin des trains dignes de ce nom

Au début du mois d’août, les chemins de fer nationaux thaïlandais présentaient pour la première fois au public les futurs trains qui circuleront avant la fin de l’année sur la ligne Bangkok-Chiang Mai. D’ici septembre 2017, ils équiperont les lignes vers Hat Yai au Sud, ainsi que Nakhon Ratchasima et Ubon Ratchathani au Nord Est. Spacieux, modernes, dotés de sièges ressemblant à ceux d’un avion avec écran vidéo etprise USB intégrée, les nouveaux convois ont tout pour séduire les voyageurs les plus exigeants. Surtout, ils font basculer les chemins de fer thaïs du 19ème au 21ème siècle. Des décennies de sous-investissements font en effet des chemins de fer du Royaume parmi les plus mauvais d’Asie. Peu chers mais totalement délabrés et d’une incroyable lenteur.
Ils font basculer les chemins de fer thaïs du XIXème au XXIème siècle
Le gouvernement thaïlandais investit maintenant massivement pour moderniser son réseau. Deux lignes électriques rapides – on ne peut guère parler de TGV – sont en cours de construction entre Bangkok et Nakhon Ratchasima, la seconde ville du pays, ainsi qu’entre Bangkok et Chiang Mai.
La première ligne sera construite avec l’aide de la Chine, les trains circulant à 180 km/h en moyenne sur une ligne qui ira à Nakhon Ratchasima et qui remontera vers le nord pour se connecter avec la nouvelle ligne TGV reliant Nong Khai, à la frontière avec le Laos, Vientiane et Kunming en Chine.
La seconde ligne de 650 km est construite en partenariat avec le Japon et mettra la capitale du Nord de la Thaïlande avec des trains roulant à 200 km/h. Chiang Mai devrait en 2021 se trouver à 5h de Bangkok avec l’ouverture d’une partie de la ligne. Après 2023, Chiang Mai ne sera plus qu’à 3h30 de Bangkok.
Il existe également un projet de train à grande vitesse entre Bangkok et Pattaya/Hua Hin mais le projet n’est qu’à l’état des études.
Plus au sud, en Malaisie, des progrès réels ont été constatés avec le lancement en 2010 de la première ligne totalement électrifiée le long de la côte ouest de la péninsule malaisienne. Les trains rapides et confortables roulent à 160 km/h en moyenne. Ils relient Kuala Lumpur à Ipoh, Penang (Butterworth) et Padang Besar à la frontière avec la Thaïlande. Les trains mettent 2h30 entre Kuala Lumpur et Ipoh et 3h15 entre Ipoh et la frontière thaïlandaise. La ligne électrifiée continue désormais vers Malacca depuis Kuala Lumpur  mettant les deux villes à deux heures l’une de l’autre.
Une toute nouvelle ligne à grande vitesse reliera Kuala Lumpur à Singapour en 90 minutes
En juillet de cette année, les gouvernements de Malaisie et de Singapour ont enfin signé le protocole d’accord pour la construction d’une toute nouvelle ligne à grande vitesse qui reliera Kuala Lumpur à Singapour en 90 minutes avec des trains roulant à 270 km/h. Les études sont en cours de finalisation pour un accord bilatéral en fin d’année et le lancement des travaux en 2017. L’ouverture de la ligne, prévue initialement en 2020, a depuis été repoussée à l’horizon 2026.
En Indonésie, trois projets d’envergure sont en cours de lancement. Une première ligne à grande vitesse avec un consortium chinois va relier Jakarta à Bandung, la capitale de Java Occidental, située à 150 km à l’est de la métropole indonésienne. Prévue à l’origine pour 2019, la ligne ne devrait être achevée qu’en 2020 avec un temps de parcours de 45 minutes au lieu des 3h voire 3h30 actuels… Le Japon vient de recevoir la concession pour la construction d’une autre ligne TGV sur l’Indonésie, cette fois-ci reliant Jakarta à Surabaya, la seconde ville du pays à 750 km de la capitale. La future ligne à grande vitesse réduirait à cinq heures le temps total de parcours contre 10 heures actuellement. Le projet devrait débuter l’an prochain pour une mise en service autour de 2023.
Un autre important projet est la construction d’une ligne ferroviaire reliant les principales métropoles de l’île de Sumatra, la seconde plus peuplée d’Indonésie. La Chine s’est mise sur les rangs pour financer cette ligne de plus de 2160 km mais qui ne verrait le jour que dans une douzaine d’années.
Par Luc Citrino sur www.voyages-d-affaires.com le 22/08/2016

Russie, Iran : une entente qui change la donne


L'arrivée pilotes russes dans la base aérienne iranienne de Hamedan n’est une démarche ni fortuite ni liée exclusivement à la libération d’Alep (nord-ouest de la Syrie). Elle a été précédée d’une série d’événements témoignant de la formation d’un contexte foncièrement nouveau dans l’est du Proche-Orient.

Notamment, la rencontre de la « Troïka caspienne », qui a réuni à Bakou les présidents de Russie, d’Azerbaïdjan et d’Iran, a posé un nouveau jalon de coopération économique entre les trois pays. 

C’est encore la visite du président turc Recep Tayyip Erdogan à Saint-Pétersbourg, qui a contribué à réduire la tension dans les relations bilatérales. C’est enfin l’intensification de la coopération économique russo-iranienne, avant tout dans le secteur des transports et celui de l’énergie. 

Au moment où les ententes russo-iraniennes sur la base militaire commençaient à être réalisées, Moscou s’était déjà garanti un arrière politique fiable et un bloc d’ententes sur les questions économiques et sociales avec l’Iran. Ainsi, cette décision cruciale du point de vue politique et militaire est une démarche logique signifiant que la Russie et l’Iran souhaitent détenir l’initiative non seulement dans le conflit syrien, mais dans l’ensemble du Proche-Orient. 

Les gagnants et les perdants

 

Il est évident que dans cette situation, les Etats-Unis se retrouvent perdants. 

Les ententes russo-iraniennes sur l’exploitation de la base militaire de Hamedan prouvent qu’à l’heure actuelle, les relations russo-américaines ne constituent plus pour Moscou une priorité au nom de laquelle il serait prêt à sacrifier des positions et des acquis, même tactiques. En outre, elles montrent clairement que « la lune de miel » entre l’Iran et les Etats-Unis se termine sur un niveau élevé de méfiance envers la politique de Washington.
Notamment envers la capacité de Washington à influencer son allié le plus proche, l’Arabie saoudite. 

Les Américains doivent se préparer à perdre leur « droit de veto » sur le développement des relations politiques et militaires avec l’Iran, non seulement concernant la Russie, mais également  d’autres pays.

L’accord de l’Iran au déploiement d’un contingent militaire russe sur son sol indique clairement que Téhéran réalise à quel point il est important pour son développement en tant que « centre de force » régional de résoudre le conflit syrien selon ses propres conditions et non selon celles de l’Occident. 

Dans cette situation, les Etats-Unis se mordront les doigts de leur incapacité à comprendre « les limites du compromis » chez leurs partenaires-concurrents. Ainsi, la Chine, qui est restée pendant longtemps dans l’expectative dans le conflit syrien, semble avoir pris, après le déploiement de l’aviation russe dans la base de Hamedan, une décision de principe : élargir son aide au gouvernement du président syrien Bachar el-Assad. Il s’agit moins d’un soutien au régime en tant que tel que du souhait de Pékin de prendre part aux futurs processus politiques et économiques. 


Les messages

 

Pour ce qui est des messages politiques ou plutôt politico-militaires envoyés par la Russie en lançant des opérations depuis le territoire iranien, ils se réduisent à trois grands points. 

Primo. Moscou laisse entendre à Washington qu’il considère le partenariat russo-iranien comme une priorité stratégique et qu’il le développera même dans les domaines qui, du point de vue des Etats-Unis, se situent dans la « zone grise » au vu des ententes internationales intervenues auparavant sur l’Iran. Cela ne signifie pas que Moscou renonce complètement à la stratégie de consensus du Conseil de sécurité en matière de dissuasion des ambitions politico-militaires de l’Iran, mais nous assistons sans aucun doute à la révision de cette politique. Et si l’actuelle expérience de coopération se révèle fructueuse, elle pourrait être suivie d’autres démarches pouvant déboucher sur un rapprochement impressionnant entre Moscou et Téhéran. 

Secundo. La Russie est déçue par la politique des Etats-Unis consistant à diviser l’opposition syrienne en « modérée » et radicale. L’irritation issue de la position souvent floue de Washington allait croissant depuis plusieurs mois et il était difficile de ne pas la remarquer. Il s’agit sans doute d’une erreur des Etats-Unis qui ont surestimé la disposition de Moscou à marchander au sujet de la liste des organisations terroristes. Une erreur qui risque d’affaiblir les positions des structures qui s’orientent sur les Etats-Unis tant « sur le terrain » en Syrie que dans le futur règlement de paix. En tout cas, si avec la participation des Iraniens, la Russie et Bachar el-Assad réalisent des progrès à Alep, le modèle existant des négociations devra être modifié, car une grande partie des organisations de l’opposition dite modérée ne représentera plus de forces sérieuses à l’intérieur de la Syrie. 

Tertio. La Russie estime que la défaite définitive de l’opposition syrienne à Alep est un objectif à tel point prioritaire qu’elle est prête à sacrifier, au moins provisoirement, ses contacts avec les Etats-Unis et l’Union européenne sur le dossier syrien. Le déploiement de l’aviation russe à Hamedan et l’intensification des bombardements contre l’opposition près d’Alep n’est pas une simple opération visant à servir d’atout dans le commerce politique avec l’Occident. Il pourrait cacher la déception quant à la possibilité même d’avoir un dialogue politique avec l’actuelle Maison Blanche et l’intention de Moscou de remettre ce dialogue à plus tard, quand Washington se dotera d’une nouvelle administration. 


Par Dmitri Ievstafiev, politologue et professeur à l’Université nationale de recherche de la Haute école d'économie, sur www.alterinfo.net le 22/08/2016

dimanche 21 août 2016

Les Philippines menacent de quitter l'Onu


Le président philippin Rodrigo Duterte a fustigé les Nations unies pour l'avoir appelé à mettre fin à une vague d'exécutions sommaires de trafiquants de drogue dans son pays et a menacé de se retirer de l'organisation qu'il a qualifiée d'inutile et incapable d'accomplir sa mission. 


Ulcéré par la critique des experts onusiens pour des exécutions sommaires de trafiquants de drogue aux Philippines, le président du pays Rodrigo Duterte s'est attaqué à l'Onu, en la jugeant plus prompte à "s'inquiéter de l'empilement des os de criminels" qu'à accomplir sa propre mission, consistant entre autres à lutter contre le terrorisme et la faim dans le monde. 

"Peut-être que nous devrons quitter les Nations unies", a déclaré M.Duterte, en invoquant "l'impuissance de l'organisation à mettre fin aux conflits en Irak et en Syrie et à empêcher les grandes puissances de bombarder des villages et de tuer des civils innocents". 

Dans ces conditions, il a invité d'autres pays comme la Chine à former une organisation concurrente. 

Les experts de l'Onu ont demandé la semaine dernière à Manille de juguler les violences liées à la lutte contre le trafic de drogue, que Rodrigo Duterte a promis d'éradiquer pendant sa campagne électorale. Depuis son élection le 9 mai dernier, quelque 900 trafiquants présumés ont été sommairement exécutés ou tout bonnement assassinés aux Philippines. 

Pourtant, le président philippin nie toute responsabilité de la police ou du gouvernement dans cette flambée de violence et s'en prend aux experts onusiens, qu'il qualifie de "stupides". 


Sur www.alterinfo.net le 21/08/2016

mercredi 17 août 2016

En Asie, les joueurs de Pokémon Go doivent éviter les mines antipersonnel

Les autorités américaines ont alerté les joueurs de Pokémon Go sur les risques qu'ils encourent en Asie du sud-est, où les mines et autres engins explosifs sont encore présents en nombre.
Cet avertissement a été fait en début de semaine via un tweet du Bureau des Affaires politiques et militaires américain. Celui-ci s'adresse aux chasseurs de Pokémon qui se trouvent au Vietnam, au Cambodge et au Laos. Il leur demande de faire attention aux champs de mines et à tout ce qui pourrait ressembler à une vieille bombe qui n'aurait pas encore explosé. Le tout avec une photo montrant un Roucool devant un démineur. 

Pokémon Go au milieu des mines

Les autorités militaires américaines sont certainement les mieux placées pour avertir les joueurs de Pokémon Go sur les dangers des bombes non explosées présentes dans la région. Il y a cinquante ans, durant la guerre du Vietnam, les Etats-Unis ont en effet mené des centaines de milliers de raids aériens sur la région. On estime qu'environ 30 % des engins largués n'ont pas explosé sur le moment.

Mais l'Asie n'est pas le seul terrain «miné» auquel doivent faire face les chasseurs de Pokémon. Dernièrement, des joueurs se sont en effet retrouvés dans un champ de mines en Bosnie, pays lui aussi ravagé par la guerre entre 1992 et 1995. Une mésaventure qui a obligé les autorités à installer des panneaux indicatifs.

Sur www.directmatin.fr le 17/08/2016

L'obstination de la société minière canadienne WWM

La société canadienne WWM est entrée dans une longue guerre judiciaire avec la République du Kazakhstan depuis environ 20 ans. Malgré la logique et le bon sens, elle continue à lutter, aveuglée par des paillettes d'un "veau d'or". Un nouveau cycle de confrontation est apparu en janvier 2016, quand le tribunal arbitral du Canada a examiné et confirmé la demande de WWM contre le Kazakhstan.

Quel est le cœur de la question ? Pour parler brièvement, cet investisseur est venu au Kazakhstan mais n'a pas rempli ses obligations, et pour cette raison se trouva très vite sur la touche. Toutefois, la société WWM est guidée par une logique tout à fait différente et voit l'événement sous un angle différent. À son avis, la raison pour laquelle les problèmes persistent vient du fait que le Kazakhstan a empêché le fonctionnement normal de l'investisseur.

L'histoire a commencé en 1996, lorsque la compagnie canadienne World Wide Minerals a signé un accord avec le Kazakhstan, sur la gestion du complexe d'extraction d'uranium du nord des terres vierges appelé Mining and Chemical Combine (TSGHK). Tout paraissait normal pour la nouvelle république indépendante qui a fait beaucoup d'effort en créant des conditions optimales pour les investisseurs. C'était une question de survie pour le jeune Kazakhstan qui possédait de riches ressources, mais n'avait ni les moyens ni les technologies pour son développement.

Qu'est-il arrivé ? En 1997, la société WWM a lancé un appel au gouvernement du Kazakhstan pour obtenir une licence d'exportation d'uranium pour la vente aux États-Unis. Et cela lui a été refusé. En fait, le droit exclusif de fournir de l'uranium aux États-Unis avait été accordé à la société américaine Nukem Inc.
Notez que craignant que l'uranium peu cher des anciennes républiques soviétiques, y compris celui des ogives nucléaires démantelées, n'entraîne une perte de contrôle du marché, les États-Unis ont eu une politique très agressive. En effet, l'uranium s'échangeait à des prix inférieurs aux coûts de production.

Par conséquent, le ministère du Commerce des États-Unis et de six représentants des pays de la CEI ont signé en 1992, un accord imposant des quotas sur les importations d'uranium aux États-Unis.. Parmi eux, la Russie, l'Ukraine, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Selon les termes des accords américains, il est donné le droit de restreindre les importations pendant huit ans et de surveiller la transition d'un système de quota vers des importations illimitées pendant deux ans.

Quand les canadiens sont venus en 1996 sur le marché du Kazakhstan, il se pourrait qu'ils n'aient pas été au courant de la situation. En d'autres termes, dans cette affaire, les politiques se sont télescopées.

En conséquence, le Kazakhstan a été contraint de prendre le contrôle de la gestion du complexe nord des mines d'uranium et a résilié le contrat en raison des engagements de WWM de mise en faillite et du lourd passif économique et financier de la TSGHK. La résolution du gouvernement du 30 juillet 1997, relatif au droit de la société de portefeuille de gestion opérationnelle "Tselinny Mining and Chemical Combine" a été traitée par JSC Kazatomprom "NAC".

Cependant, les Canadiens ne lâchèrent pas prise. Un an plus tard, WWM déposa une plainte auprès de la Cour de district des États-Unis contre le Kazakhstan, au motif principal de refus illégal d'accorder une licence pour l'exportation de l'uranium aux États-Unis. La cour, cependant, a souligné que la décision d'émettre ou de ne pas délivrer une licence d'exportation est une action souveraine du Kazakhstan, sur la base des lois nationales et des décrets de cette République.

Le 8 août 2002, la Cour d'appel US a rendu une décision finale d'arrêter le procès, en faveur du Kazakhstan et de "Kazatomprom".

Et puis vint un nouveau cycle de confrontation, qui a débuté en 2016.

En janvier de cette année, le tribunal canadien a confirmé le procès de la société minière canadienne contre le Kazakhstan, ce qui a provoqué un fort refroidissement des relations entre les deux pays.

Astana reste perplexe devant cette décision. Assez curieusement, le tribunal fait allusion au cadre réglementaire de l'Union soviétique. Selon WWM, la signature le 20 juin 1989, au milieu de la perestroïka, d'un accord sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements entre l'Union soviétique et le Canada, s'impose au nouvel Etat indépendant. Naturellement, le Kazakhstan tente d'expliquer que le pays a vécu dans une nouvelle réalité géopolitique et que l'ancien accord est illégitime.

Un autre fait intéressant a été ignoré. La Convention de Vienne de 1978 a été mise en vigueur le 6 Novembre 1996 par 19 Etats qui en sont signataires. Le Kazakhstan n'a pas signé ce document. Il semble donc être très controversé de dire que la Convention de Vienne de 1978 est une loi internationale généralement acceptée, créant des obligations contraignantes sur les  tous les principes d'héritage des engagements qui ont été pris par des pays qui n'existent plus. Cela signifie que la décision du Tribunal n'est pas fondée.

Il est un autre point de droit sur lequel il faut porter attention. Les actions du Kazakhstan dans les relations avec le monde des investisseurs du secteur minier sont largement centrées sur la protection de la sécurité nationale. Et dans cette affaire, cet aspect a un net avantage sur les traités.

Après tout, les questions de sécurité nationale ont été motivées par des actions américaines pour maîtriser le marché de l'uranium. C'est ainsi qu'agit tout Etat qui se respecte.
Le non-respect de ses obligations par le secteur minier canadien a donné lieu à une situation complexe. Le non-paiement des salaires, l'arrêt de l'activité, ont conduit au fait que des personnes se sont trouvés dans une situation difficile et on exiger des autorités de rétablir l'ordre. Par ailleurs, le budget n'a pas reçu pas les fonds nécessaires pour le développement. En comprenant que les investisseurs ne remplissent pas leurs obligations, freinent le développement économique et minent la stabilité du pays, le Kazakhstan a été forcé de prendre une décision impopulaire.

En conclusion, il est surprenant que cet ancien investisseur persiste à plaider contre le Kazakhstan. La position du gouvernement du Canada est également frustrante. Au lieu de comprendre cette question complexe, il prend le parti des aventuriers qui veulent voler un pays partenaire.

Tout ceci pourrait porter préjudice à d'autres investisseurs. Par leurs actions, World Wide Minerals peut mettre d'autres investisseurs canadiens travaillant au Kazakhstan dans une position inconfortable. Il faut rappeler que l'accord sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements n'a pas été signé jusqu'à présent.

jeudi 11 août 2016

René Cagnat : « Une offensive djihadiste déstabiliserait toute l’Asie centrale »


Depuis la fin des années 1990, des groupes djihadistes ont émergé et se sont développés dans le Caucase et en Asie centrale. Les mouvements islamistes s'y enracinent dans la région. Selon René Cagnat, ils représentent un danger grandissant pour la stabilité d'une région dont les différents états se révèlent incapables d'endiguer la menace. Quant aux puissances voisines, la Chine et la Russie, elles ne s'entendent qu'« au minimum » pour surveiller les terroristes. Colonel à la retraite, docteur en sciences politiques, spécialiste des questions centre-asiatiques et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) René Cagnat qui vit au Kyrgyzstan, décrit une région, où le chaudron islamiste pourrait dans un avenir proche devenir un véritable danger.
HD. De nombreux combattants islamistes en Syrie, en Irak et en Afghanistan sont issus de l'Asie centrale et du Caucase. Pourquoi assiste-t-on à un tel phénomène ?
René Cagnat. Ces combattants sont apparus pour deux raisons. La première, endogène : une forte démographie, une  hausse du chômage et le climat politique (non respect de l'opinion d'autrui,  dictatures) qui les incitèrent à fuir la région. Ces migrants ont alors rencontré des mouvements islamistes externes -comme les talibans ou Daech- qui les ont récupérés avant d'essayer de les réinstaller dans leur pays d'origine, via les mosquées et les madrassa. C'est le schéma des échanges subversifs entre l'Asie centrale et l'extérieur : on émigre puis l'on revient « djihadiste ».
La crise larvée que traverse actuellement le Tadjikistan pourrait favoriser, à partir de l'Afghanistan, une offensive de ces djihadistes centre-asiatiques : favorables à Daech et al-Qaida. Ils sont prêts à revenir chez eux ce qui déclencherait une déstabilisation en chaine de tous les autres pays de la région. Appartenant surtout au Mouvement islamique du Turkestan (1), ils sont actuellement près de 5000 en Afghanistan, renforcés par des compatriotes qui reviennent de Syrie et d'Irak. Leur déploiement dans le Nord-afghan s'étale d'ouest en est depuis les provinces face au Turkménistan, jusqu'au Badakhchan proche du Pamir tadjik. Entre ces deux môles, différents groupes, combattent aux côtés des Taliban et encerclent Balkh, Talokan et surtout Koundouz qu'ils ont déjà conquis en avril dernier. Maintenant, selon le « Times of Central asia » du 1er août, ils viennent de prendre le contrôle de 65 à 70 % du district de Kalay-i-Zal au nord – ouest de Koundouz qui, sur la rivière frontalière du Pyandj, serait une base de départ idéale vers le Tadjikistan.

HD. La menace est-elle imminente ?
R.C. Pour l'instant non. Mais le processus dure depuis la fin des années 90. Au début le retentissement des mouvements islamistes à l'intérieur de l'Asie centrale était faible, mais maintenant, avec la maturation sur place, on voit apparaître des mouvements locaux et les fidèles, de plus en plus nombreux, deviennent attentifs à ce qui se passe au loin. En prenant l'exemple du Kyrgyzstan, l'un des pays les moins islamiques, avant 1991 il n'y avait que 39 mosquées officielles (mais un millier de clandestines) elles sont aujourd'hui plus de 2000. En 2010, on pouvait compter 1% d'islamistes engagés, 10% qui observaient la situation et près de 90 % de non engagés. En 2016, ils sont 2% d'extrémistes et au moins 15% de fidèles attentifs parmi des croyants. Tout ceci aboutit à ce que le chaudron commence à bouillir dans les régions les plus réceptives : Ferghana, vallée tadjike de Garm, Ouest et sud du Kazakhstan.
Un plan de subversion pour l'établissement d'un califat supranational existe, notamment au Caucase de la part de Daech. Un projet sous la férule de Dokou Oumarov (2) qui, avant d'être exécuté en 2014, dirigeait sur place 26 équipes. Le Caucase connait une prééminence parmi les réseaux de combattants islamistes qui débordent sur l'Asie centrale et le Moyen-Orient. La présence de Caucasiens dans les unités de Daech en Irak, en Syrie et en Afghanistan a été recensée.
Les frontières délimitant les différents pays d'Asie centrale, dont la plupart sont nés de l'éclatement de l'Urss, sont largement artificielles, résultat d'un découpage purement administratif. Elles ne signifient pas grand-chose pour les populations et sont très poreuses.

HD. Les frontières qui délimitent les diverses républiques d'Asie centrale compliquent-elles la pénétration islamiste d'un Etat à l'autre ?
R.C. Elles sont extrêmement poreuses et ne signifient pas grand-chose pour les populations, sinon qu'elles les gênent considérablement. Elles demeurent artificielles car émanant d'un découpage surtout administratif. Les  guerres et persécutions qui n'ont cessé  de troubler l'Asie centrale depuis que l'islam y est apparu  au VIII siècle, y ont suscité l'apparition de sociétés musulmanes secrètes, les confréries soufies par exemple qui mènent depuis des siècles une  activité discrète se moquant des frontières. .. Ces confréries sont très actives par leurs réseaux et ont remplacé par leur dynamisme l'islam traditionnel au temps de l'URSS. Elles tissent des liens clandestins depuis la Turquie jusqu'au Xinjiang (3). Même si les frontières sont artificielles, ces mouvements ne sont pas forcément transnationaux. Chaque Etat possède sa propre organisation islamique officielle ou souterraine qui agit à l'intérieur de chaque pays. Cela fait que ces mouvements sont en retard par rapport au Caucase qui, du Daguestan jusqu'à  l'Abkhazie, ne connaît guère ce cloisonnement. 

HD. Quel rôle joue la Turquie dans cette région ?
R.C. Il ne faut pas oublier que l'Asie centrale est aussi appelée « Turkestan » ou pays des Turks (de l'est). Un lien très fort a existé durant des siècles entre l'Empire Ottoman et certaines confréries soufies. Le mausolée du fondateur de l'ordre de Naqshbandi (mouvement soufi) se trouve près de Boukhara (Ouzbékistan) où il né au XIVe siècle. La confrérie s'est étendue jusqu'en Turquie où elle a prospéré jusqu'à nos jours avec le président turc Turgut Özal (4). Depuis sept siècles, cet ordre de l'islam est resté actif, tout comme le mouvement politico-religieux Gülen, qui s'est implanté au Kazakhstan et au Kyrgyzstan ces dernières années. Les services spéciaux turcs sont  présents en Asie centrale et, selon les Russes, influenceraient des maquis turkmènes à la frontière afghane. Ces derniers pourraient jouer un rôle pour saboter les livraisons de gaz du Turkménistan vers la Chine et la Russie et les réorienter vers l'Europe et la péninsule indienne (gazoduc TAPI).

HD Quelle est l'envergure géostratégique de ce réveil de l'islam ?
R.C. Ce réveil de l'islam en Asie centrale commence à se structurer. Pour l'instant, la population n'est pas encore pleinement réceptive aux idées et aux volontés de ces mouvements subversifs islamistes. Mais l'évolution rapide de ce phénomène laisse présager dans un futur proche un riche terreau pour développer des actions. Il faut anticiper ce danger.
L'Asie centrale est entourée d'empires séculaires : chinois, russe, irano-persan, turc, voire indien.. Voisinage préoccupant ! Les Russes qui sont les meilleurs connaisseurs de la région considèrent parfois leur frontière sud de la façon suivante : leurs interventions en Crimée, Syrie et Irak se sont effectuées sur leur aile droite, très active. Le centre, pour l'instant bloqué,  correspond au Caucase et à la vallée de la Volga en partie musulmane (Tatarstan et Bachkirie). Quant à l'aile gauche, elle concerne le Turkestan jusqu'en Chine (Xinjiang) mais aussi l'Afghanistan et le Pakistan. Cette zone cruciale pour le trafic de drogues, pourrait faire l'objet prochainement d'une action offensive de Daech rejeté du Moyen-Orient et bloqué au Caucase. Le risque de noyautage menace les diverses républiques d'Asie centrale avec le retour de combattants issus de ces zones de guerre qui ont gardé des contacts et des appuis dans leur pays. Lorsqu'ils reviennent chez eux, auréolés de gloire, d'armes et d'argent, ils peuvent soulever des insurrections terroristes. Cela s'est déjà produit aussi bien en Ouzbékistan, au Kyrgyzstan, au Kazakhstan, au Tadjikistan que le Caucase russe. Cette offensive -par l'est- serait d'autant plus redoutable qu'elle se ferait avec l'appui des réseaux très élaborés du trafic de drogues :  drogues et islam ont depuis longtemps partie liée, une conjonction extrêmement dangereuse.

HD. Qui finance ces mouvements islamistes et l'implantation de mosquées dans la région ?
R.C. En dehors des revenus du trafic de drogues (héroïne et haschich), le financement de la guérilla islamiste était jusqu'ici assuré par l'Arabie Saoudite(5), le Qatar et autres émirats, parfois par l'intermédiaire du Pakistan, de la Banque islamique et d'ONG ad hoc. Aujourd'hui, il provient aussi des collectes d'organisations islamiques dans le monde entier (l'oumma des croyants), principalement en Europe et en Turquie. Ce financement, plus intermittent, pose désormais problème aux mercenaires islamistes.

HD. Devant le danger pour la stabilité de la région que représente l'essor de ces mouvements, quelles actions entreprennent les dirigeants ?
R.C. Les réactions sont différentes selon les pays. Le président ouzbek Islam Karimov, qui dirige son pays depuis 1989, a toujours réagi de façon violente, à tel point qu'il a finalement favorisé le Mouvement islamique d'Ouzbékistan. L'islam ouzbek, comme le pays lui-même,  demeure sous une chape de plomb. Au pouvoir depuis 1994, Emommali Rakhmon, le président du Tadjikistan, a établi une dictature, parvient à rester aux commandes mais n'en est pas moins très menacé. Le Kazakhstan est également concerné par le terrorisme. Noursoultan Nazarbaïev a tenté, au début de son mandat en 1990, de favoriser la religion musulmane. Il est rapidement revenu en arrière et a instauré un contrôle sévère des musulmans en créant un islam officiel contre un islam parallèle. Seul pays démocratique d'Asie centrale, le Kirghizstan du président Atambaev laisse l'islam extrémiste se développer tout en le surveillant très étroitement. Quant au Turkménistan, où la population subit une véritable dictature, la construction de mosquées de luxe (par Bouygues...) ne doit  pas faire illusion. Sans qu'on le sache, le pays est en guerre à sa frontière afghane puisque au mois de mai sa petite armée de 10 000 soldats y a perdu 24 des siens. Enfin, le Xinjiang subit une intervention militaire extrêmement vigilante de Pékin pour écraser la révolte musulmane des Ouïgours. Même si  cette révolte est spectaculaire -retour aux attaques à l'arme blanche- elle est vouée à l'échec. Elle oppose une vingtaine de millions d'Ouïgours à plus d'un milliard cent millions de Hans.

HD. Comment la Russie et la Chine font face à ces mouvements ?
R.C. Les deux pays, qui sont les acteurs majeurs en Asie centrale, dans le bassin de la mer Caspienne et dans le Caucase, sont conscients du danger mais les méthodes utilisées sont assez dissemblables.
Les deux puissances s'entendent pour surveiller les « terroristes », échanger le minimum de renseignements et s'attaquer à eux avec le maximum de sévérité. La coercition militaire et policière a l'entière priorité, notamment au Xinjiang. Mais on peut se demander si les belles manœuvres (6) auxquelles on assiste dans le cadre de l'Organisation de coopération de Shanghaï (7) ou de l'Organisation du traité de sécurité collective (8) sont adaptées -blindés, artillerie, aviation- à un ennemi impalpable qui s'infiltre en zone montagneuse et urbaine.
La Chine avec ses énormes moyens économiques, a opté pour une solution que la Russie, du fait des sanctions occidentales et de la guerre, n'a plus la possibilité de financer : créer d'immenses chantiers qui permettraient localement d'avoir la paix sociale grâce au plein-emploi des jeunes et des moins jeunes.
Pékin peut obtenir cette solution par  son  projet de « Nouvelle route de la Soie » qui offre à l'Asie centrale une occasion de développement que pourra soutenir l'OCS. De nombreuses infrastructures voient le jour : autoroutes, voies ferrées, réseaux énergétiques du Turkestan en particulier vers la Chine, barrages hydro-électriques, etc. La Russie, en revanche, qui vient de renoncer au Kirghizstan à la construction des barrages qu'elle avait promis, semble se replier sur les moyens militaires et de renseignement dont elle dispose en abondance.  
Côté chinois, tout n'est pas rose. Les responsables envoient par dizaines de milliers en Asie centrale une main d'œuvre qualifiée chinoise –composée souvent de repris de justice- et ne recourent pas assez à une main d'œuvre locale qu'ils pourraient former. Cela se traduit dans le Turkestan russe par des tensions voire des accrochages (9) comme au Turkestan chinois.
Si les dirigeants chinois s'aperçoivent qu'ils ont la clef du problème au Xinjiang, la pacification se fera de leur côté. En Asie centrale ex-soviétique ce résultat ne sera obtenu que si les Russes consentent à tolérer les investissements de leurs « amis » chinois.

Par René Cagnat sur www.humanite.fr le 11 août 2016

NOTES
(1) Anciennement  Mouvement islamique d'Ouzbékistan (MIO).
(2) Dokou Oumarov, tchétchène et islamiste Daech, a organisé plusieurs attentats en Russie et appelé à diriger, sous la supervision de Daech, le califat du Caucase. Il a été exécuté par une action des services spéciaux russes en 2014.
(3) Le Turkestan ou « pays des Turks » est un ancien nom donné à l'Asie centrale. On distingue encore le Turkestan occidental ou russe (réunissant le Kazakhstan, Ouzbékistan, Kyrgyzstan, Turkménistan) et le Turkestan oriental ou chinois (Xinjiang). On mentionne aussi  un Turkestan afghan (le Nord-afghan, de Hérat au Badakhchan).
(4) Premier ministre de 1983 à 1989 et président de 1989 à 1993. Turgut Özal défendait une conception « eurasiste » et « pan-turkiste » de la diplomatie turque tournée vers l'Europe et l'Asie turcophone.
(5) L'Arabie saoudite, qui prône le wahhabisme et le soulèvement des croyants pour l'établissement d'un califat international, est, indirectement, un des grands bailleurs de fonds.
(6) Même si ce n'est pas sa priorité, des opérations militaires (navales et terrestres) et anti-terroristes se déroulent chaque année sous sa responsabilité. Le dernier exercice s'est tenu à la mi-juillet dans le cadre de « Collaboration 2016 », impliquant des forces spéciales russes et chinoises.
(7) L'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) fondée en 2001, regroupe, derrière la Chine et la Russie, quatre pays d'Asie centrale : le Kazakhstan, le Kyrgyzstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan. En 2017, l'Inde et le Pakistan les rejoindront, suivis par l'Iran.
(8) L'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) fondée en 1994 regroupe : la Russie, l'Arménie, la Bielorussie, le Kazakhstan, le Kyrgyzstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan. La Serbie en est observateur. Cette organisation militaire a des points communs avec le défunt Pacte de Varsovie.
(9) En 2010, plusieurs clans kirghizes de la région d'At Bachi sont partis en guerre à cheval contre l'installation d'une entreprise chinoise qui mettait en valeur une vieille mine d'or que les Kirghizes exploitaient artisanalement depuis longtemps.

René Cagnat. Colonel à la retraite, docteur en sciences politiques, spécialiste des questions centre-asiatiques et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).