mercredi 11 octobre 2017

Les ventes d’armes chinoises explosent en Asie

La semaine dernière, l'ambassadeur de Chine aux Philippines, Zhao Jianhua, a remis 3000 fusils d'assaut à Manille au cours d'une cérémonie tenue au quartier général de l'armée. Fin juin, Pékin avait déjà offert à l'archipel une cargaison d'armes d'une valeur de 7,3 millions de dollars. La police et l'armée s'en serviront pour lutter contre un soulèvement islamiste dans la ville de Marawi et dans le cadre d'une vaste campagne anti-drogue qui a déjà fait plus de 13 000 morts.
Il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg. «La Chine fait désormais partie des cinq plus grands exportateurs d'armes sur le plan mondial, juste derrière les Etats-Unis, la Russie et la France», note Siemon Wezeman, du Stockholm International Peace Research Institute, qui a mené une étude sur le sujet. Entre 2011 et 2015, la Chine a vendu du matériel militaire à 37 pays et 75% de ces exportations ont fini en Asie ou en Océanie. Le Pakistan se taille la part du lion (35%), suivi du Bangladesh (20%) et de la Birmanie (16%).

Nouveaux clients

Plus récemment, Pékin a acquis de nouveaux clients: l'armée thaïlandaise s'apprête à recevoir, cette semaine, sa première livraison de 28 tanks chinois. Elle a aussi commandé des sous-marins et des véhicules d'infanterie. En novembre dernier, la Malaisie a acheté quatre navires de patrouille à Pékin, d'une valeur de 277 millions de dollars. L'Indonésie, le Sri Lanka, le Cambodge et le Laos font également partie des clients de l'industrie militaire chinoise.
Celle-ci a connu une spectaculaire croissance. «Les investissements consentis par Pékin dans ce domaine sont passés de 21 milliards de dollars en 1988 à 215 milliards de dollars en 2015, ce qui en fait le deuxième pays le plus dépensier après les Etats-Unis, détaille Siemon Wezeman. Technologiquement, ses armes jouent désormais dans la même ligue que celles des Américains ou des Russes.»

Livraisons sans conditions

Pékin n'a pas eu de peine à trouver des clients. Les armes chinoises sont bon marché et leur achat donne souvent lieu à des transferts de technologie ou à l'octroi de prêts. Un drone de combat chinois vaut 1 million de dollars, quatre fois moins que son homologue américain. Ces armements sont aussi fournis sans conditions. Si Manille a accueilli avec autant d'empressement les fusils d'assaut chinois, c'est que le Congrès américain lui avait auparavant refusé une vente d'armes, craignant que ces dernières ne servent à commettre des abus contre les droits de l'homme.
Acheter des armes à la Chine permet en outre de s'assurer de son soutien en cas de conflit. Le Cambodge, le Laos et la Birmanie, très isolés sur le plan diplomatique, en ont notamment profité. «Les Etats-Unis ont négligé l'Asie ces dernières années, car ils étaient accaparés par les guerres en Afghanistan et en Irak, relève Collin Koh, un chercheur de l'Ecole de relations internationales S. Rajaratnam de Singapour. Cela a créé un vide dans lequel la Chine s'est engouffrée.»

Moyen d'influence

Pékin y trouve aussi son compte. En Asie du Sud-est, il cherche des alliés prêts à appuyer ses prétentions territoriales en mer de Chine méridionale. Le plus spectaculaire retournement provient sans doute des Philippines qui, après avoir dénoncé les convoitises de la Chine sur un chapelet d'îlots contestés devant une cour internationale à La Haye, semblent désormais prêtes à tout oublier en échange de ses cadeaux.
«En Asie du Sud, la vente d'armes au Pakistan, au Bangladesh, à la Birmanie et au Sri Lanka a permis à Pékin d'accroître son influence dans l'arrière-cour de l'Inde, ajoute Collin Koh. Celle-ci est désormais complètement encerclée par les alliés militaires de son grand rival.»
Par Julie Zaugg le 11/10/2017 sur www.letemps.ch

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