La menace iranienne au premier plan
Les armées étrangères ont été présentées comme une force destinée à protéger le Bahreïn contre la menace iranienne. L'Europe et les États-Unis ont avalisé cette vision, privilégiant leurs intérêts stratégiques. Seul pays du Golfe à être touché par le printemps arabe, le Bahreïn abrite l'état-major de la cinquième flotte américaine. Il joue un rôle important dans l'endiguement de l'Iran, situé juste en face. Le roi présente la révolte populaire comme une insurrection confessionnelle dangereuse pour l'équilibre de la région. Près de 80 % de ses 1.340.000 habitants sont chiites comme en Iran. S'il était renversé, assure le monarque, c'est un État allié de l'Iran qui s'installerait au cœur du golfe Arabo-Persique.
Les Saoudiens, principaux alliés des États-Unis dans la région, ont renchéri. Ils ne sauraient tolérer un État chiite si près de leur territoire. Ils craignent l'influence sur leur propre population chiite, elle aussi contestataire, dans les régions pétrolières proches du Bahreïn.
Les opposants bahreïniens se défendent de toute alliance avec l'Iran. Ils soulignent que même la commission «indépendante» désignée par le roi a conclu à l'absence d'influence iranienne sur les manifestants. L'opposition affirme que la mobilisation saoudienne est surtout due à la crainte de Riyad de voir émerger une véritable démocratie sur son palier. Les opposants assurent que leur révolte est surtout sociale, tout en retournant l'argument confessionnel contre le roi. Pour eux, c'est la monarchie qui discrimine les chiites majoritaires, accaparant pour elle-même et pour ses amis le pouvoir politique et économique.
Un embryon de système démocratique
Il existe bien un embryon de système démocratique. Le principal parti d'opposition, al-Wifaq, a même remporté largement les élections législatives de 2010 avec 64 % des voix. Mais à cause d'un découpage défavorable, il n'a obtenu que 16 sièges sur les 40 soumis au suffrage universel. La réalité du pouvoir reste entre les mains de la famille royale, qui truste les portefeuilles ministériels. Les partis légaux demandent la fin de la discrimination et une véritable monarchie constitutionnelle. Ils pourraient cependant se voir déborder par une opposition plus radicale, clandestine, qui réclame une république. Jeudi, dans les villages chiites, des manifestants ont repris le slogan des révolutions arabes: «Le peuple veut la chute du régime.»
Le gouvernement, inquiet de voir la contestation perdurer, vient de reprendre un «dialogue national» avec l'opposition légale, des membres de la société civile et les partis sunnites favorables au pouvoir. Mais l'état d'urgence est toujours en vigueur, et des dizaines de prisonniers politiques restent enfermés, dont 13 militants condamnés à des peines allant de cinq ans à la perpétuité. Amnesty International, qui a pu enquêter sur place, a conclu, dans un rapport publié jeudi, qu'aucun de ces détenus n'avait «encouragé ou utilisé la violence» et «qu'aucune preuve convaincante ne justifie leur incarcération.» L'ONG demande leur libération immédiate. Une manifestation en leur faveur a eu lieu jeudi à Paris.
Le 15/02/2013 sur www.lefigaro.fr
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