mardi 30 juillet 2013

Exemple de relation entre pétrole et terrorisme

Vous avez du pétrole ? Alors nous allons chez vous ... Ce slogan est devenu un guide pour les organisations terroristes. Personne ne niera que dans le monde, ce sont souvent les régions pétrolifères qui sont l'objet de menaces.


Même les Etats stables d'Asie centrale sont affectés par un cycle infernal de la criminalité liée à l'argent du pétrole, la criminalité internationale et l'idéologique étrangère. Et on le voit ici clairement, le maître de la marionnette est une main habile qui patiemment pendant des décennies, éduque de nouveaux adeptes pour le mouvement wahhabite, s'engage dans un processus criminel et dans la structure du pouvoir. Et tout cela pour répéter au jour J le scénario de Benghazi, déclarer tous azimuts la chasse au terrorisme, pour à terme capter les gisements riches en gaz ou en pétrole.


Prenons comme exemple le Kazakhstan, leader en Asie centrale, seul pays où ont eu lieu plus de 20 années de développement indépendant sans une guerre civile ou un conflit ethnique. Même dans ce pays, des menaces sont récemment apparues et ont empiré. Ce qui est révélateur, c'est que la hausse de l'activité terroriste se déroule dans la région pétrolière de cette République, dans sa partie occidentale, à côté de la mer Caspienne.


Un travail de sape systématique et en douceur de la stabilité du Kazakhstan est en cours depuis plus d'une décennie. Si, dans les premières années, les groupes terroristes et extrémistes ont puisé leurs ressources dans les activités des organisations non gouvernementales, plus tard, quand l'«oxygène» leur a été coupée, ils ont commencé à se coaliser avec la criminalité et le pouvoir.


Un exemple frappant est celui des frères Bergey et Amanjan Ryskaliev. Le premier était le chef de la région Atyrau, la principale région pétrolifère du pays, le second a été élu député au Parlement.


Pour quels faits glorieux ces messieurs sont t-ils «estimés»? Laissons de côté les allégations de corruption ... qui ne sont rien par rapport à ce que l'on peut trouver en coulisse. Ce qui est beaucoup plus grave, c'est qu'ils ont frappé sur le terrain pour un nouveau type d'activité criminelle grâce à un croisement entre les repris de justice avec l'idéologie du terrorisme.


Selon les aveux des Ryskaliev, il y avait 2 «équipes» dans les groupes criminels organisés. L'un d'eux, est nationalement connu comme l'OPG « Makatovskie » sous la responsabilité des frères Ismuhanov et était en contact étroit avec le terrorisme souterrain.


Les rôles des Ismuhanov sont répartis comme suit : le frère aîné dirige l'OPG qui exécute vols, enlèvements et assassinats. Le plus jeune maintient des contacts étroits avec les terroristes, y compris Meyrambek Makulbekov (dont le nom religieux est Abdulaziz), qui était un émissaire de l'organisation terroriste internationale « Union du Jihad islamique», qui fait partie d'Al-Qaïda.


B.Ismuhanov et Abdulaziz avec le soutien des autres membres de la résistance ont créé l'association religieuse "Daru Salam" pour le recrutement des wahhabites. Ils étaient également à l'origine de la création du fonds «Al Haq», qui distribue des fonds pour combattre les infidèles en Afghanistan. Grâce à leur participation, la mosquée "At-Takua" a été construite dans le village "Jumysker".


Par ailleurs, Bergey Ryskaliev, quand il était encore adjoint à l'Akim de la région d'Atyrau, a attribué des terres pour la construction de cette mosquée, qui est devenu plus tard un centre de formation pour les terroristes.


H.Abduzhapparov est devenu le chef spirituel et l'imam de la mosquée, dont les sermons extrémistes appellent à l'entrée du Kazakhstan dans le califat islamique, et l'organisation du Jihad. En 2006, il s'installe dans une résidence permanente en Arabie Saoudite. Mais son œuvre a attiré le plus jeune frère du chef de l'OPG "Makatovskie", B.Ismuhanov. Il a continué à propager activement l'idéologie de l'islam non-traditionnel avec le soutien de la tête de la région.


B.Ismuhanov manquait seulement de membres avec une éducation religieuse appropriée. L'Akim de la région Bergey Ryskaliev a résolu cette question. Il a financé le séjour d'étude en Egypte et en Arabie d'un groupe de personnes, comprenant les membres du groupe criminel OPG.


L'association religieuse « Daru Salam » a poursuivi le recrutement de nouveaux adeptes dans les mosquées. Bien que l'organisation aie été fermé en 2007, les graines de la discorde ont bientôt donné des fruits abondants. Les adeptes de la congrégation de la mosquée "Al-Takua" ont créé un groupe terroriste conspirationniste « Kazakh Jihad islamique » et ont commencé à attirer les autres résidents de la zone. De 2008 à 2011, il rejoint le rang des terroristes avec 43 personnes. Ils ont été divisés en trois groupes distincts « Ittihad al-Muslimeen », « Dix » et le groupe de « Li ».


Un des membres des trois groupes devait attaquer la division 2016, unité militaire du Service national aux frontières de la République du Kazakhstan. Une attaque de l'armurerie était également prévue. Mais le plan a échoué en raison d'une banalité. Les organisateurs ont été arrêtés par la police pour vol dans une épicerie. En plus de cette série planifiée, d'autres attaques terroristes ont également été neutralisées.


En avril 2012, un tribunal pénal interdistrict spécialisé à Atyrau a prononcé une sentence contre 42 accusés, membres des trois groupes terroristes.


Le 15 août, Bergey Ryskaliev, Akim de la région a été limogé. Il y avait une odeur de souffre. Pour sa défense il a essayé de rallier l'opinion public à lui. Mais quand l'ampleur de l'activité criminelle a été révélée, il n'y avait plus qu'une seule chose à faire, fuir.


Ce qui est intéressant, c'est que les frères Ryskaliev ont pris la fuite, juste au moment où la police du Kazakhstan a finalement tout découvert sur le réseau souterrain et a tenu une série d'opérations spéciales pour éliminer les groupes terroristes. A ce moment, une véritable guerre a été déclarée. Les agences de renseignement ont éliminés des militants. Les militants ont riposté aux attaques.


En conséquence, presque tous les wahhabites ont été arrêtés, et certains d'entre eux tués. L'émissaire d'Al-Qaïda Abdulaziz purge aussi aujourd'hui sa peine en prison. Il a quand même réussi à laisser des traces dans le sud du pays.
Et les frères Ryskaliev ? Selon des rapports récents, ils se cachent à Londres, et cela conduit à réfléchir. Albion couvre-t-elle à nouveau les criminels et les terroristes ?


Cela pose peut être la question légitime de savoir si les frères Ryskaliev sont des pions dans une lutte mondiale pour les ressources, dirigée par la Grande-Bretagne ? On n'ose le croire. Cependant, les anglais se sont largement discrédités au cours des derniers temps. Les exemples où les criminels sont confortablement installés dans des criques le long de ses rives, sont malheureusement de plus en plus nombreux. Est-il temps d'y penser ?

 

lundi 22 juillet 2013

La Syrie dans le chaudron des projets gaziers géants !

À la question «  Quelle est la vérité sur les ressources de nos eaux territoriales en pétrole et en gaz ? », le Président syrien Bachar Al-Assad a répondu : « C'est la vérité, que ce soit dans nos eaux territoriales ou dans notre sol. Les premières études ont fait état d'importants gisements de gaz dans nos eaux territoriales. Puis, nous avons su que d'autres gisements s'étendaient de l'Egypte, à la Palestine et sur tout le long de la côte ; ces ressources étant plus abondantes dans le nord. Certains disent que l'une des raisons de la crise syrienne est qu'il serait inacceptable qu'une telle fortune soit entre les mains d'un État opposant mais, évidemment, personne ne nous en a parlé de façon directe. C'est une analyse logique de la situation et nous ne pouvons ni la réfuter, ni la considérer comme une raison secondaire. C'est peut-être la raison principale de ce qui se passe en Syrie mais, pour le moment, elle reste du domaine de l'analyse » [1], [Ndt]. 

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Le fond de l'air de la bataille russo-américaine empeste le gaz

Désormais la force des grandes puissances ne repose pas tant sur leur armement de plus en plus sophistiqué que sur leur mainmise sur les sources d'énergie, le pétrole et puis le gaz censé devenir le combustible numéro un à partir de 2030, selon les prévisions des experts en la matière. Il se pourrait donc que le fond de l'air de la bataille russo-américaine empeste le gaz !

Ce qui nous amène à tenter de voir clair dans  l'imbroglio des conflits d'intérêts contradictoires concernant l'exploitation et le transport du gaz entre la coalition Russie-Chine-Iran-Syrie d'une part, et la coalition USA-Europe-Turquie-Arabie saoudite-Qatar d'autre part, avant de nous pencher sur leur rôle dans le traficotage et l'ébullition de la « crise syrienne ».

La dépendance européenne pour le gaz

La consommation de l'Europe en gaz liquéfié serait de 500 milliards de m3 par an provenant principalement de la Russie et du Qatar. Actuellement le Qatar assurerait environ le quart de ces besoins et il est attendu que sa dépendance au gaz russe aille crescendo d'ici 2020, renforçant ainsi les relations d'intérêts entre l'Europe et la Russie ; ce à quoi les USA et l'UE s'opposent vigoureusement.

Cinq projets gaziers cherchent à gagner le marché européen

1. Les deux premiers sont russes et reposent sur les considérables ressources de la Russie elle-même. À travers la mer Baltique, une première ligne « Nord stream » relie directement la Russie à l'Allemagne considérée stratégiquement comme un important point de départ vers le continent européen. Partant de la mer Noire, la deuxième ligne du projet « South stream » passe par la Bulgarie avant de se diriger vers la Grèce, la Hongrie, l'Autriche et le nord de l'Italie, avec une capacité d'acheminement de 60 milliards de m3 par an.

2. Le troisième est le projet américain « Nabucco » qui repose sur les ressources du Turkménistan et de l'Azerbaïdjan. Il prévoit d'acheminer le gaz de la Turquie vers l'Europe en passant via la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie, et l'Italie, avec  une capacité de transport de 31 milliards de m3 par an.Prévu pour 2014, repoussé à 2017 pour problèmes d'ordre technique, son coût est désormais estimé à 21 milliards de dollars, et la course semble gagnée d'avance par la Russie.

Ce troisième projet récupère les excédents du Turkménistan ; lequel est engagé dans un autre projet l'associant à la Chine, au Pakistan, à l'Azerbaïdjan et dont l'Iran s'est retiré au profit « du projet Iran-Iraq-Syrie ».

À savoir que la plupart des puits turkmènes sont contrôlés par des multinationales basées en Israël tel que le groupe Merhav dirigé par Yosef Maiman [3], l'un des hommes les plus influents en Israël ; et que la Turquie s'était précipitée pour réserver sa participation au projet, puisqu'elle devenait le carrefour du transit en plus de garantir la couverture de ses propres besoins. Elle a d'ores et déjà signé un contrat avec l'Azerbaïdjan pour l'achat de 6 milliards de m3 en 2017.

3. Le quatrième est donc « le projet Iran- Iraq- Syrie », les trois pays ayant signé en Juin 2011 un protocole d'accord pour l'acheminement du gaz iranien vers la Syrie en passant par l'Irak sur une ligne terrestre d'environ 1500 Kms [ 225 Kms en Iran, 500 Kms en Irak, 500 à 700 Kms en Syrie] qui traverserait ensuite la mer Méditerranée pour rejoindre la Grèce sans passer par la Turquie ! De plus, le projet faisait état de la possibilité pour l'Europe de s'approvisionner au niveau des ports syriens.

Le coût de construction de ce dernier projet est estimé à 10 milliards de dollars et doit être mis en route entre 2014 et 2016. Il est conçu pour transporter 110 millions de m3 par jour, soit environ 40 milliards de m3 par an. Les pays participant au projet ont même annoncé leurs propres besoins par jour et jusqu'en 2020 [25 à 30 millions de m3 pour l'Irak, 20 à 25 millions de m3 pour la Syrie, 7 à 5 millions de m3 pour le Liban, avec une extension de la ligne vers la Jordanie].

La part de l'Europe est estimée à 50 millions de m3 par jour, soit environ 20 milliards de m3 par an. Ce qui fait que ce projet est un concurrent sérieux du projet Nabucco, d'autant plus qu'il repose sur les énormes réserves iraniennes estimées à 16 000 milliards de m3, ce qui suffirait pour quelques siècles à venir.

4. Le cinquième est qualifié de « Projet qatari ». Selon le quotidien Al-Akhbar, il aurait reçu l'aval des USA et se propose de construire un gazoduc qui transporterait le gaz qatari jusqu'en Europe, avec la participation de la Turquie et d'Israël. Il partirait du Qatar pour justement arriver en Syrie dans la région de « Homs, Al-Qusayr » en traversant l'Arabie saoudite et la Jordanie, sans passer par l'Irak ! À partir de cette région du territoire syrien, il bifurquerait dans trois directions : le port de Lattaquié en Syrie, le port de Tripoli au Liban, et la Turquie.

La capacité de transport de ce cinquième gazoduc n'est pas clairement précisée, mais elle pourrait dépasser celle du projet Nabucco. Le projet en lui-même pourrait concurrencer la ligne « South stream » et repose là aussi sur des réserves considérables, celles du Qatar étant estimées à 13 800 milliards de m3.

Les gisements en Méditerranée et la bascule de l'équation géopolitique

 

Les dernières découvertes d'importants gisements de pétrole et de gaz en Méditerranée orientale [eaux territoriales concernées : Grèce, Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Palestine, Israël, Égypte] ont radicalement changé la donne géopolitique et pourraient être à l'origine de rivalités [4] et de discordes épouvantables par leurs conséquences.

L'Institut des Études géologiques des États-Unis [USGC] parle de de 9700 milliards de m3 de réserves pour le gaz et de 3,4 milliards de barils pour le pétrole. Alors que ces chiffres sont loin d'être fiables, coups tordus et batailles juridiques pour la répartition des quotas battent leur plein entre les pays riverains.

Israël n'a pas attendu le verdict pour signer des contrats avec des sociétés américaines et européennes et commencer à exploiter les gisements Tamar et Léviathan à l'Ouest de Haïfa. Selon ses propres estimations, il devrait couvrir une grande part de ses besoins et, à son tour, exporter son excédent vers l'Occident. Des incertitudes demeurent vu le contexte actuel et les conflits d'intérêts régionaux et internationaux.

Quant au Qatar, il serait facile pour l'Iran d'empêcher le transit du gaz qatari par le Détroit d'Ormuz. C'est pourquoi, appuyé par l'Occident, le Qatar s'acharne à se libérer de cette éventualité en s'offrant « un couloir de passage terrestre » pour exporter son gaz vers l'Europe ; couloir qu'ils ont décidé de faire passer par la Syrie !

Tel est le projet béni et voulu par les dirigeants US, mais il se trouve que telle n'est pas la volonté de Damas, de Moscou et de Téhéran. Tant que les relations étroites entre ces trois capitales resteront telles qu'elles sont, ce projet n'aboutira pas.

Et le Qatar, qui jusqu'en 2011 avait investi environ 8 milliards de dollars en Syrie y compris dans le secteur du tourisme sans jamais faire pencher les dirigeants syriens en faveur de son projet gazier, a donc pris la décision de creuser le trajet de son gazoduc [5] par la force des pires violences terroristes, dévastatrices et destructrices. Là aussi… peine perdue !


Par l
e Docteur Fahd Andraos Saadingénieur et écrivain libanais, sur www.mondialisation.ca le 21/07/2013

Article original : ShamTimes http://shamtimes.net/news_de.php?PartsID=1&NewsID=9663

Article traduit de l'Arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca


Notes :

[1] Le Président Bachar Al-Assad : « Ce qui se passe en Syrie n'est pas une révolution »

http://www.mondialisation.ca/president-bachar-al-assad-ce-qui-se-passe-en-syrie-nest-pas-une-revolution/5342188

[2] Approvisionnements énergétiques : gaz, la dépendance européenne

http://www.alternatives-economiques.fr/approvisionnements-energetiques—gaz–la-dependance-europeenne_fr_art_699_36360.html

[3] Yosef Maiman, President, Merhav Group

http://www.youtube.com/watch?v=rOACw5A2fAs

[4] Nouveaux gisements pétrogaziers en Méditerranée, sources de rivalité

http://fr.rian.ru/discussion/20130129/197369141.html

[5] Syrie : Le trajet des gazoducs qataris décide des zones de combat !

http://www.mondialisation.ca/syrie-le-trajet-des-gazoducs-qataris-decident-des-zones-de-combat/5311934

[6] La guerre pour le pétrole et le gaz en Syrie

http://www.youtube.com/watch?v=ECLwemRd8RU

Cette carte, tirée de Sham Times, mériterait quelques explications. Nous les devons au Docteur Imad Fawzi Shueibi, [philosophe, géopoliticien et Président du Centre de documentation et d'études stratégiques à Damas], qui s'est souvent exprimé sur la situation régionale et internationale [7]. Voici la traduction de ce court extrait d'une émission de la chaîne Al-Mayaddine :

«14 gisements… Le plus important [le 1-12] se trouve dans les eaux territoriales syriennes. Qu'on ne vienne pas me dire qu'il est situé dans les eaux chypriotes, ce qui n'exclue pas des participations avec Chypre… Les rendements des gisements [4-9-10-13] qui s'étendent de la frontière libanaise jusqu'à Banias seraient équivalents à ceux du Koweït. Plus nous montons vers le nord plus les potentialités en pétrole et en gaz augmentent. C'est pourquoi j'ai dit que ce qui se trouve en Israël correspond à une faible part de ce qui se trouve au Liban et en Syrie, où les réserves sont considérables… C'est pourquoi j'ai parlé de malédiction. Ce n'est naturellement pas une bénédiction… La situation pose de nombreuses questions d'ordre géopolitique. Parmi ces questions : Est-il permis à un État de posséder tout cela ? Un seul État !? ».

[7] Syrie : La guerre pour le gaz ! Un conflit international à manifestation régionale. Par Imad Fawzi Shueibi

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30652

 

Corée du Nord : un capitalisme en construction

 
Bien que la Corée du Nord se considère officiellement comme un pays socialiste, on voit s'y développer actuellement de façon non négligeable l'économie de marché sous ses formes les plus simples : marchés, agriculture, petits ateliers qui fabriquent des vêtements, des chaussures, et des produits ménagers simples. Mais il y a aussi des entreprises de plus grande taille, comme par exemple les mines de charbon privées.

  Une question se pose : comment les entrepreneurs nord-coréens travaillent-ils en l'absence de tout cadre juridique pour leurs activités ? Ce mystère trouve une explication dans le fait que dans la Corée d'aujourd'hui la frontière entre entreprises privées et entreprises d'Etat s'est estompée. Beaucoup d'entreprises théoriquement considérées comme publiques, appartiennent en pratique à des personnes privées.

Ceci est caractéristique des entreprises du commerce extérieur nord-coréen. Depuis la fin des années 1970, la Corée du Nord s'est mise à négliger le principe du monopole d'Etat sur ​​le commerce extérieur. Les organisations gouvernementales nord-coréennes, les grandes entreprises et les unités militaires ont bénéficié du droit de créer leurs propres sociétés de commerce extérieur.

Quand on affaire à une société de commerce extérieur, créant par exemple une usine d'acier, alors la situation est évidente : cette société, du moins en théorie, doit vendre les produits de cette usine. Cependant, de nombreuses entreprises de commerce extérieur ont été créées par des organisations qui en principe ne produisent rien. Par exemple, la Direction des routes de l'Etat-major des armées de Corée du Nord ou le Bureau du renseignement militaire ont une entreprise de commerce extérieur. Il est clair que les agents du renseignement ne font nullement commerce de stylo-pistolets ou autres engins d'espionnage, mais d'objets plus prosaïques.

En règle générale, les sociétés de commerce extérieur nord-coréennes reçoivent un permis d'exportation portant sur des marchandises spécifiques, produites sur un territoire défini. Par exemple, une entreprise peut obtenir le droit d'exporter des champignons des bois qui sont cultivés dans plusieurs districts d'une province ou d'une autre, de même pour l'exportation du charbon.

Cependant, il est loin le temps où le pouvoir pouvait exiger des agriculteurs locaux qu'ils aillent dans les montagnes cueillir des champignons ou envoyer des bateaux pour pêcher le calamar ou la morue à exporter. Aujourd'hui pour acquérir un produit d'exportation, il faut offrir un prix satisfaisant. C'est ce qui devient une pierre d'achoppement pour les organisations du commerce extérieur, qui ne disposent pas de l'argent nécessaire dans leur budget. Mais c'est aussi une échappatoire commode pour les capitaux nord-coréens.

En général, les représentants des entreprises, ayant le droit d'exporter, négocient avec les entrepreneurs locaux qui ont fait fortune dans l'économie souterraine. Cet entrepreneur devient l'investisseur majeur de l'entreprise de commerce extérieur, bien que formellement il ne soit pas considéré comme l'un de ses employés.

L'argent de l'investisseur sert à acheter des biens. L'investisseur peut aussi négocier la vente de biens d'exportation vers la Chine. Après l'opération, l'investisseur verse au budget de l'Etat une somme dont le montant a été convenu à l'avance, et tout ce qu'il a pu gagner en plus de cette somme va dans sa poche.

Ainsi, on peut créer des entreprises privées d'une certaine taille, comme les mines de charbon ou les mines d'or. Formellement, ces mines sont considérées comme appartenant à des société du commerce extérieur nord-coréen, mais en pratique elles constituent des entreprises privées appartenant à un homme d'affaire local. L'investisseur privé recrute les employés, achète les équipements, organise la production et les ventes. Le charbon et l'or sont exportés, mais seulement une partie des recettes générées va dans le budget de l'Etat, l'autre partie va à la rémunération des fonctionnaires avec lesquels travaille l'entrepreneur en question, et le reste va dans les poches de ce dernier.

Ce schéma bizarre d'entreprenariat public-privé est extrêmement instable, mais, dans le contexte actuel, il fonctionne. Qu'on le veuille ou non, le volume des exportations de la Corée du Nord n'a cessé de croître ces dernières années. Il ne fait aucun doute que les activités du capital privé semi-légal nord-coréen ont joué un rôle important dans cette croissance. Les entreprises nord-coréennes, à commencer par les petits magasins et les ateliers de chaussures, apprendront à contrôler les mines d'or. 

Par Andreï Lankov sur www.alterinfo.net le 20/07/2013

Bientôt, plus d'obstacle au nouveau Sykes-Picot

Le 13 juin dernier, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis annonçait que la ligne rouge avait été franchie : ainsi que le montraient les preuves accumulées par les Français et les Britanniques, la Syrie de Bachar el-Assad avait utilisé des armes chimiques contre son propre peuple. On allait voir ce que l'on allait voir… Sans attendre, le nouveau commandement joint des Forces terrestres de l'Otan était activé à Izmir (Turquie). La guerre était imminente.

Un mois plus tard, la détermination occidentale a disparue. La presse atlantiste découvre avec effroi que l'opposition armée en Syrie est composée de fanatiques haïs par la grande majorité des Syriens, ce que nous ne cessons de dire depuis deux ans. Tandis que, sur place, l'Armée syrienne libre et le Front Al-Nosra, au lieu de combattre contre les troupes de Damas, se livrent l'un à l'autre une guerre sans merci.

Que s'est-il donc passé qui a pu transformer la guerre de « libération » de la Syrie en ce vaste désordre ? En réalité, aucun des enjeux n'a changé en un mois : l'Armée arabe syrienne n'a jamais utilisé d'armes chimiques contre les « rebelles » ; et ceux-ci ne se sont pas « radicalisés ». Par contre, le plan US que j'exposais, le premier, en novembre dernier, se met lentement en place. L'étape du jour, c'est le lâchage de l'opposition armée.

Tout ceci nous confirme l'essoufflement de l'impérialisme anglo-saxon. L'application sur le terrain des décisions prises à Washington s'effectue avec une extrême lenteur. Ce processus met en évidence l'aveuglement des médias occidentaux qui ignorent ces décisions prises jusqu'à ce qu'elles se traduisent en actes. Incapables d'analyser le monde tel qu'il est, ils persistent à relayer et à crédibiliser la « communication politique ».

Ainsi, ce que j'écrivais [1], et qui était qualifié de « théorie du complot » par la presse dominante, devient une évidence pour elle, dix mois plus tard. Eric Schmitt écrit pudiquement dans le New York Times que « les plans de l'administration US sont bien plus limités qu'elle ne le déclarait en public et en privé » [2]. Tandis que David Ignatius titre crument dans le Washington Post : « Les rebelles syriens ont été plaqués par Washington » [3]. Ils attendaient des armes anti-char et ils reçurent des mortiers de 120 millimètres. On leur avait promis des avions, et ils reçurent des kalachnikovs. Des armes arrivent en nombre, mais pas pour renverser Bachar el-Assad, pour qu'ils se tuent entre eux et qu'il n'en reste aucun.

Et pour qu'il n'y ait pas de doute : le directeur de la CIA, John Brennan, et le vice-président, Joe Biden, ont convaincu à huis clos le Congrès qu'il ne fallait pas envoyer d'armes décisives en Syrie. Tandis qu'à Londres, la Chambre des Communes s'est engouffrée dans la brèche. Et qu'à Paris, Alain Marsaud et Jacques Myard —pour d'autres raisons— tentent d'embarquer l'Assemblée nationale dans le même refus occidental de continuer à soutenir les « rebelles ».

Sans aucun état d'âme, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius qui déplorait en décembre l'inscription par les États-Unis du Front Al-Nosra sur leur liste des organisations terroristes « parce qu'ils font du bon boulot sur le terrain » (sic), a lui-même demandé à l'ONU de l'inscrire sur la liste internationale des organisations terroristes. Et Manuel Valls, le ministre français de l'Intérieur, a déclaré sur France2 que les Français qui combattent en Syrie aux côtés de ses anciens alliés islamistes seraient arrêtés et jugés à leur retour en France.

La conférence de Genève II, dont on parle depuis un an, se précise. Les principaux obstacles venaient de la Coalition nationale qui, soutenue par le Qatar, exigeait la capitulation préalable de Bachar el-Assad, et des Franco-Britanniques qui refusaient de voir l'Arabie saoudite et l'Iran à la table des négociations.

L'ayatollah Khamenei a retiré du jeu le président Ahmadinejad et son directeur de cabinet Meshaie, hommes de foi et anti-cléricaux forcenés, pour les remplacer par le cheikh Rouhani, un religieux très pragmatique. Dès son installation comme nouveau président iranien, fin août, ce dernier devrait accepter de participer à la négociation. De leur côté, les Anglo-Saxons ont retiré du jeu le Qatar, ce micro-État gazier qui leur servait à camoufler l'alliance entre l'OTAN et les Frères musulmans. Ils ont confié la gestion des « rebelles » en Syrie à la seule Arabie saoudite, tout en discréditant ces « rebelles » internationaux dans leur presse. Avec ou sans le roi Abdallah, Riyad devrait également accepter la négociation.

Fausse surprise : à la demande pressante du secrétaire d'État John Kerry, l'Autorité palestinienne a accepté de reprendre les négociations avec Israël, même si celui-ci poursuit la colonisation des Territoires.

Sauf revirements inattendus en Égypte ou en Tunisie, il ne devrait donc plus y avoir, d'ici deux à trois mois, d'obstacles majeurs à la tenue de Genève II, le « nouveau Sykes-Picot » élargi ; du nom des accords secrets par lesquels la France et le Royaume-Uni se partagèrent le Proche-Orient durant la Première Guerre mondiale. Au cours de cette conférence, les États-Unis et la Russie se répartiront l'Afrique du Nord et le Levant, au détriment de la France, en divisant la région en zones sous-traitées par les Saoudiens (sunnites) ou les Iraniens (chiites).

Après avoir contraint l'émir du Qatar à abdiquer et avoir abandonné les « rebelles » en Syrie, Washington va donc retirer son influence régionale à sa fidèle alliée, la France, qui aura sali ses mains durant deux ans pour rien. C'est la loi cynique de l'impérialisme.

Par Thierry Meyssan sur www.voltairenet.org le 22/07/2013

[1] « Obama II : la purge et le pacte », Réseau Voltaire, 27 novembre 2012. « L'ASL continue de briller comme une étoile morte », Réseau Voltaire, 26 décembre 2012. « Obama et Poutine vont-ils se partager le Proche-Orient ? », Odnako (Fédération de Russie), 26 janvier 2013.

[2] "No Quick Impact in U.S. Arms Plan for Syria Rebels", par Mark Mazzetti, Eric Schmitt et Erin Banco, The New York Times, 14 juillet 2013

[3] "Syrian rebels get 'the jilt' from Washington", par David Ignatius, The Washington Post, 18 juillet 2013.

mercredi 17 juillet 2013

Le monde sans le Qatar


Mohamed Morsi et l'émir Hamad Al-Thani

En deux semaines, les Frères musulmans, à qui Washington promettait de gouverner le monde arabe, ont perdu deux de leurs principaux leviers de pouvoir. L'émir Hamad Al-Thani du Qatar a été contraint d'abdiquer le 25 juin, et avec lui son inspirateur et Premier ministre, HBJ. Le 3 juillet, le président Mohamed Morsi a été renversé par l'Armée égyptienne, tandis que des mandats d'arrêt étaient bientôt lancés contre les principaux responsables du mouvement égyptien, dont le Guide suprême de la confrérie, Mohammed Badie.

Il ne semble pas qu'en poussant l'émir Hamad vers la sortie, Washington prévoyait un autre changement de régime en Égypte. Les États-Unis, qui n'ont pas supporté ses magouilles politico-financières, ont remis le Qatar à sa place de micro-État. Jamais Washington n'a remis en cause l'aide apportée par l'émir aux Frères musulmans, ni leur rôle au Caire, mais juste l'enflure de l'émirat.

Le rôle des Frères

Quoi qu'il en soit, l'inattendue accession légale de la Confrérie au pouvoir, en juin 2012, en Égypte, laissait entendre le véritable objectif du « printemps arabe » : une nouvelle ère de colonisation fondée sur l'accord secret des Frères, des États-Unis et d'Israël. Pour la Confrérie, l'islamisation forcée des sociétés d'Afrique du Nord et du Levant ; pour Washington, la globalisation économique, incluant des privatisations massives ; et pour Tel-Aviv, la continuation de la paix séparée de Camp David.

Il importe de bien comprendre que, ce faisant, « La Confrérie est devenue le fer de lance du sionisme arabe », selon l'expression du penseur libanais Hassan Hamade. Ce que confirme à sa manière le « conseiller spirituel » de la chaîne qatarie Al-Jazeera, cheikh Yusuf al-Qaradawi lorsqu'il prêche que si Mahomet était parmi nous aujourd'hui, il vivrait en paix avec les Israéliens et soutiendrait l'Otan.

L'idéologie de la Confrérie

Cette position a été favorisée par la structure des Frères musulmans. Bien qu'elle dispose d'une coordination internationale, la Confrérie n'est pas constituée d'une organisation unique, mais d'une multitude de groupes distincts. En outre, il existe des niveaux différents d'adhésion avec chacun leur propre idéologie. Cependant, tous se retrouvent autour d'une même devise : « Allah est notre but, le Coran est notre loi, le Prophète notre leader, le Jihad notre voie, et le martyr notre plus haute espérance ». En outre, ils se réclament tous de l'enseignement d'Hassan el-Banna (1906-1949) et de Saïd Qutb (1906-1966).

De facto, la Confrérie est la matrice de tous les mouvements salafistes (c'est-à-dire cherchant à vivre comme les compagnons du prophète) et takfiristes (c'est-à-dire luttant contre les apostats) travaillant avec la CIA. Ainsi Ayman al-Zawahari, actuel chef d'Al-Qaïda, est issu de leurs rangs. Fidèle agent US, il fut l'instigateur de la présidence d'Hosni Moubarak, en organisant l'assassinat d'Anouar el-Sadate. Il est aujourd'hui devenu le chef spirituel des Contras syriens.

La Confrérie a toujours été minoritaire, dans tous les États où elle s'est développée, y compris en Égypte où elle ne doit sa victoire électorale qu'au boycott des urnes par les 2/3 de la population. Elle a donc suscité, face à des dictatures, toutes sortes de groupes armés qui ont tenté de s'emparer du pouvoir par la force ou la dissimulation. Ce qui caractérise son comportement, c'est que, pour elle, « La fin justifie les moyens ». Dès lors, il est difficile de distinguer, dans son évolution idéologique, ce qui est authentique de ce qui ressort de la séduction politique. Précisément, le cas égyptien a montré que son évolution démocratique était de pure façade, juste le temps d'une élection.

Surtout, bien qu'il soit au départ un mouvement destiné à lutter contre l'impérialisme britannique, il entra immédiatement en conflit avec le nationalisme arabe, principal adversaire de l'impérialisme dans la région. Comprenant l'usage qu'ils pouvaient faire des Frères, les Britanniques, experts en maniement de sectes, loin de les éliminer, les pénétrèrent et les soutinrent pour lutter contre les nationalistes. Aujourd'hui encore, la coordination internationale des Frères est installée à Londres.

Le « printemps arabe » (depuis décembre 2010) n'est au fond qu'un remake de l'ancienne stratégie franco-britannique de la « révolte arabe » contre les Ottomans (1916-1918). Sauf que cette fois, le but n'était pas de placer des fantoches pseudo-indépendants à la place de la vieille administration ottomane, mais des fantoches vierges adaptés à la globalisation à la place d'alliés usés.

Le repli stratégique du Qatar

Depuis le changement d'équipe au Qatar, l'argent a cessé de couler à flots vers les Frères, que ce soit en Syrie, en Palestine, en Égypte, en Libye ou ailleurs. L'émirat se recentre sur ses ambitions intérieures et prévoit de consacrer 200 milliards de dollars pour préparer la Coupe du monde de football, dans cinq ans.

Cette soudaine disparition de la scène internationale laisse le champ libre aux Saoudiens et aux Émiratis, qui se sont tous deux précipités pour soutenir le nouveau régime égyptien.

A contrario, la rivalité entre le Qatar et l'Arabie saoudite a conduit l'Iran à soutenir Mohamed Morsi en Égypte —alors qu'il soutient Bachar el-Assad en Syrie—. Du coup, Téhéran se trouvait plus d'affinités avec le projet des Frères égyptiens « d'islamiser la société » qu'avec celui des nassériens de libérer la Palestine de l'occupation coloniale.

En définitive, le retrait du Qatar correspond à un rééquilibrage des forces dans le monde anglo-saxon. Successivement, les commissions de contrôle des services secrets au Congrès des États-Unis et à la Chambre britannique des Communes se sont opposées à l'envoi d'armes aux « rebelles » en Syrie.

La chute des Frères musulmans n'est donc pas seulement l'échec d'une Confrérie, mais aussi celui de ceux qui, à Londres et Washington, ont pensé pouvoir remodeler l'Afrique du Nord et le Proche-Orient, puis à défaut y faire régner le chaos plutôt que d'y perdre la main.

Par thierry Meyssan le 17/07/2013 sur www.voltairenet.org

mercredi 10 juillet 2013

Après l'attentat à Beyrouth, les chiites "contre la vengeance"

Mardi après-midi, la surprise se lisait encore sur plus d'un visage à Bir al-Abed. Ce quartier de Dahye, banlieue chiite du sud de Beyrouth et bastion du parti islamiste chiite Hezbollah, a été touché le matin même par un attentat à la voiture piégée. Plusieurs heures après l'attaque, les rues aux alentours du parking où a eu lieu l'explosion ont encore des airs de chaos. Des épaves de voitures calcinées jonchent le bitume recouvert de débris de verre : de nombreuses vitrines ont été pulvérisées lors de l'explosion. Tout autour, des habitants hagards observent la scène du haut de leurs balcons, alors que nombre de portes et de fenêtres des habitations ont été soufflées. Zeinab était en train de se reposer lorsque la vitre de son salon s'est brisée. "J'avais des morceaux de verre partout sur mes jambes et du sang qui coulait, mais j'avais tellement peur que je ne pouvais pas bouger", déplore cette personne âgée. Selon le ministère de l'Intérieur libanais, 53 personnes ont été légèrement blessées lors de l'explosion. Survenu le premier jour du ramadan pour une partie des chiites, l'attentat aurait pu faire plus de victimes : il a en effet été perpétré sur le parking d'un supermarché.

 

Toucher l'allié de Damas

Dans une rue adjacente, deux jeunes hommes déblayent l'entrée d'un magasin de sport dont la devanture n'est plus qu'un monticule de morceaux de verre. Selon eux, ce n'est pas un hasard si le quartier, où de nombreux bureaux du Hezbollah sont situés, a été visé. "Ici, les habitants soutiennent le Hezbollah et certaines personnes sont mécontentes qu'il se batte en Syrie avec Bachar el-Assad", pense Ihab. En mai, le parti chiite a en effet déclaré officiellement aider l'armée syrienne à reprendre le contrôle des régions tenues par les rebelles. Il a notamment activement participé à la bataille de Quseir, zone stratégique située près de la frontière libanaise. Dans la banlieue sud de Beyrouth, beaucoup d'habitants considèrent cette aide comme nécessaire : le président syrien Bachar el-Assad est vu comme l'unique leader arabe à tenir tête à Israël. Il est également perçu comme le protecteur des minorités, dont les chiites font partie en Syrie.

Mohammad, le collègue d'Ihab, soupçonne les rebelles syriens d'avoir commis l'attentat : "Ils veulent se venger du Hezbollah et déplacer le conflit syrien au Liban." Pour lui comme pour son ami, pas question cependant de répondre à la provocation que constitue l'attentat : "On a conscience que ceux qui l'ont commis cherchent à diviser les Libanais en exacerbant les tensions entre chiites et sunnites." Au Liban, comme en Syrie, les divisions politiques se doublent d'une dimension communautaire : les sunnites soutiennent majoritairement la rébellion, alors que les chiites sont fidèles à Bachar el-Assad. Les répercussions du conflit syrien y sont grandes : après trente ans d'occupation syrienne, le Liban a une vie politique encore très liée à son voisin.

Contre les "terroristes", mais avec les sunnites

Mohammad et Ihab ne sont pas les seuls à vouloir prendre du recul. Non loin du parking de l'attentat, une boutique de téléphonie présente une vitrine ornée de posters à l'effigie de combattants du Hezbollah morts en Syrie. "On se bat contre Jabhat al-Nosra, les terroristes", dit le vendeur, considérant que tous les rebelles syriens en font partie. "On n'a rien contre le reste des sunnites, en Syrie comme au Liban." Khalil, vendeur de jeux vidéo, affirme ne pas être non plus un partisan de la surenchère. "La plupart des sunnites comme des chiites veulent la paix et vivre ensemble", martèle-t-il. Il n'en est pas moins sceptique concernant l'avenir du Liban. "Le problème, c'est qu'il y a toujours des idiots de part et d'autre pour se battre."

La situation n'est en effet pas si tranquille, même si les habitants de Bir el-Abed appellent à la retenue. Un cheikh chiite proche du Hezbollah et souhaitant rester anonyme avoue que la colère est là. "Certains des hommes qui fréquentent ma mosquée veulent se venger", admet-il. "J'essaye de les calmer, car pour moi il est évident qu'il y a une volonté extérieure au Liban de diviser les musulmans." L'attentat est, selon lui, l'oeuvre d'Israël qui cherche à déstabiliser le Liban afin de renforcer sa position dans la région.

La liste des suspects de l'attentat est longue pour les habitants du quartier. Une chose est sûre, malgré la volonté d'une majorité de Libanais de vivre ensemble, les actes violents se multiplient partout dans le pays. "Il faut replacer cet attentat dans une suite d'événements qui prouve que la situation ne fait qu'empirer", regrette Ali, de passage au Liban pour les vacances. En mai dernier, le quartier chiite de Shiah, à Beyrouth, avait déjà été touché par des roquettes. À l'est du pays près de la frontière syrienne, la région chiite du Hermel est elle aussi régulièrement visée par des roquettes tirées de Syrie et d'Ersal, région sunnite libanaise. Les 23 et 24 juin, la ville de Saïda dans le sud du Liban a été le théâtre d'affrontements entre les partisans du leader salafiste sunnite Ahmad al-Assir, le Hezbollah et l'armée libanaise. À Bir el-Abed, Hassan, poissonnier, est lui fataliste. Il avoue que "tout le monde a peur" au Liban et espère seulement que ses fils pourront émigrer rapidement afin d'échapper au destin d'un pays "où les problèmes ne cesseront jamais". 

Par Marie Kostrz sur www.lepoint.fr le 10/07/2013

jeudi 4 juillet 2013

Qatar: Cheikh Tamim va donner un "coup d'arrêt" à la politique de son père dans le monde arabe

 
Sans s'attendre à des changements spectaculaires et immédiats dans la politique du Qatar, Cheikh Tamim, le nouvel Emir de ce pays du Golfe "va donner un coup d'arrêt à la politique suivie par son père", Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, dans le monde arabe, a estimé le directeur du mensuel Afrique Asie Majed Nehme.

"Sans s'attendre à des changements spectaculaires et immédiats, il est légitime de penser que le nouvel émir va donner un coup d'arrêt à la politique suivie par son père", a affirmé M. Nehme dans un entretien accordé à l'APS.

"C'était clair dans son discours d'intronisation où il a mis en tête de ses priorités le développement du pays", a-t-il ajouté.

Pour M. Nehme, si le nouvel Emir avait affirmé que "le Qatar s'est rangé aux côtés des peuples arabes dans leur aspiration à la liberté et à la dignité, et contre la corruption et la tyrannie", il n'empêche qu'il avait exprimé, dans le même discours, "son respect de la souveraineté des Etats, le principe de non-ingérence, l'attachement à la diversité confessionnelle et religieuse".

Les raisons du rôle "important" dans les crises dans le monde arabe
Invité à expliquer les raisons ayant conduit le Qatar à jouer un rôle "important" dans les crises que traversent plusieurs pays arabes, dans le sillage de ce qui est appelé "printemps arabe", M. Nehme a noté que les Etats-Unis qui avaient constaté, après l'opération Tempête du désert, en 1991, contre l'Irak, un rejet "massif" des opinions arabes de "leur alliance historique avec Israël et de leur soutien aux régimes arabes", avaient pensé "changer de tactique en se présentant comme les défenseurs de la démocratie et des réformes dans le monde arabe".

"Ils (Etats-Unis) ont estimé que le Qatar, de par sa petite taille, pouvait servir, sans frais, de banc d'essai, de laboratoire à cette nouvelle approche. L'objectif de ce +laboratoire d'idées+ était de permettre l'accession au pouvoir dans ces pays pro-américains mais gouvernés d'une manière archaïque par des dynasties vieillissantes, de nouvelles élites libérales acquises à leur cause", a encore soutenu le directeur d'Afrique Asie.

Pour M. Nehme, c'est dans ce contexte que les Etats-Unis avaient "facilité le coup d'Etat de Hamad Ben Khalifa, foncièrement anti-saoudien en 1995". Abondant dans le même sens, il a rappelé que c'était le cheikh Hamad qui avait créé, à peine installé sur le trône, la chaîne Al-Jazeera, en novembre 1996.

"Dès sa création, cette chaîne cible l'Arabie saoudite et tous les régimes +archaïques+ inféodés aux Etats-Unis, favorisant les débats contradictoires et soutenant la cause palestinienne, s'élevant contre l'embargo contre l'Irak, en contradiction apparente avec la politique réelle du Qatar qui avait normalisé ses relations avec Israël et servi de base pour les Etats-Unis qui servira plus tard à attaquer l'Irak en 2003", a-t-il notamment expliqué.

Al-Jazeera, a-t-il relevé, "est ainsi devenue la chaîne de référence de l'opinion publique arabe". M. Neheme a ensuite évoqué le changement éditorial de cette chaîne qui se présentait comme "libérale", "nationaliste" et "non conformiste", pour "muter, à partir de 2003, en porte-parole du courant de pensée" des Frères musulmans.

"Le Qatar en a profité pour promouvoir l'islam politique selon la vision des Frères musulmans", a-t-il dit.

"Nouvelle approche américaine"
Selon lui, Al-Jazeera "sert ainsi la nouvelle approche américaine qui voyait dans l'islam politique une alternative aux régimes pro-occidentaux qualifiés de despotiques".

Sa cible, a-t-il noté, n'est plus désormais, comme en 1996, l'Arabie saoudite, mais les pays arabes modernistes et souverainistes. Pour M. Nehme, l'implication du Qatar dans les "Printemps arabes, à travers Al-Jazeera et à travers des financements colossaux des mouvements islamistes, s'explique donc par la volonté des Etats-Unis de remodeler le Grand Moyen Orient et le Maghreb pour en confier le destin à ces mouvements islamistes qui prônent un libéralisme global et une politique étrangère inféodée à l'Occident".

Il a cependant estimé que "l'échec cuisant de cette approche tant en Libye qu'en Tunisie ou en Egypte a amené Washington à revoir sa copie". Du coup, a-t-il souligné, "le Qatar comme instrument de cette stratégie de déstabilisation du monde arabe ne sert plus ses intérêts (Washington)".

"L'échec cuisant de cette stratégie en Syrie a sans doute été pour quelque chose dans le changement d'équipe à Doha", a estimé M. Nehme, faisant remarquer que "tous les observateurs ont été stupéfaits par le fait que le Cheikh Tamim n'a pas soufflé un mot sur la crise syrienne dans son discours d'intronisation".

De son point de vue "tout n'est pas encore dit sur les raisons réelles de cette transmission du trône de Cheikh Hamad à son fils Tamim au moment où cet émirat gazier apparaît, grâce à son empire médiatique et son engagement dans la déstabilisation de la région, comme un acteur incontournable sur la scène régionale et internationale".

Tout en soutenant que "cet étalement de +puissance+ était en réalité fragile et illusoire", il a affirmé qu"'il n'a été toléré que parce que les grands acteurs, notamment les Etats-Unis, qui disposent d'une base militaire sur le sol qatari, y trouvaient leurs comptes".

"Ayant constaté les dégâts colossaux de cette agitation qatarie, en Libye, en Tunisie, en Egypte, dans le Sahel et surtout en Syrie, Washington a sifflé la fin de partie. A cette exigence américaine de changement de cap, il ne faut pas sous-estimer d'autres raisons propres à l'équilibre du pouvoir lui-même", a encore expliqué M. Nehme.

L'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, avait annoncé, le 25 juin passé, qu'il allait abdiquer et céder le pouvoir dans ce richissime Etat du Golfe à son fils, le prince héritier Tamim.

Dans son premier discours à la nation, le 26 juin, le nouvel émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, avait affirmé que son pays était "soucieux" de maintenir des relations "avec tous les gouvernements et tous les pays" et "rejetait la division des sociétés arabes sur une base confessionnelle", dans une référence aux tensions entre sunnites et chiites.

Le Qatar "est un Etat et non un parti politique, c'est pourquoi nous sommes soucieux de maintenir des relations avec tous les gouvernements et tous les pays", avait-il assuré, avant d'affirmer: "Nous respectons tous les courants politiques sincères et influents dans la région mais nous ne sommes pas avec un courant contre un autre". 
 
Le 03/07/2013 sur www.alterinfo.net
 

Retour en Chine de jihadistes en Syrie

À la veille de l'anniversaire des émeutes du Xinjiang (ex-Turkestan oriental) [1], une série d'attentats contre des bâtiments publics à Luqkun, le 26 juin 2013, a coûté la vie à 24 personnes.

Selon le Global Times, une centaine de membres du Mouvement islamique du Turkestan oriental (MITO) seraient de retour du jihad en Syrie [2]. Cependant, l'ambassadeur syrien à Pékin ne peut recenser qu'une trentaine de cas. Quoi qu'il en soit, le soutien dont ils disposent en Turquie et l'expérience acquise au combat en Syrie font de ces militants islamistes ouïghours, de retour en Chine, de vraies menaces pour le Xinjiang.

Le MITO, franchise d'Al-Qaïda en Chine, est considéré comme organisation terroriste par les Nations Unies. 22 de ses combattants ont été arrêtés par les forces US en Afghanistan et internés à Guantánamo. La présence de combattants islamistes chinois en Syrie est attestée depuis octobre 2012 [3]

[1] « Que se passe-t-il dans le Xinjiang ? », par Domenico Losurdo, Traduction Marie-Ange Patrizio, Réseau Voltaire, 12 juillet 2009.

[2] « Xinjiang terrorists finding training, support in Syria, Turkey », par Lin Meilian, Global Times, 1er juillet 2013.

[3] « Xinjiang jihad hits Syria », par Qiu Yongzheng et Liu Chang, Global Times, 29 octobre 2012.

Le 03/07/2013 sur www.voltairenet.org