dimanche 8 février 2015

Dangers du détournement des eaux transfrontalières par la Chine

Le Kazakhstan et la Chine ont plus de 20 cours d'eau transfrontaliers, dont les plus importants sont les rivières Irtych, Ili, Talas et Korgas. Les ressources de ces rivières sont la source la plus importante d'eau douce à la fois pour la Chine et le Kazakhstan.

Les deux pays, principalement le Kazakhstan, comprennent l'importance d'une utilisation prudente des ressources de ces cours d'eau transfrontaliers, et du fait que l'augmentation de la consommation d'eau et la dégradation de la qualité de l'eau dans les rivières Ili et Irtych pourraient conduire à une catastrophe écologique dans les lac Balkhach et Zaïsan.
 
Comme l'a reconnu la direction chinoise, le problème de l'eau est devenu l'un des principaux obstacles au développement durable de la Chine. Les bassins d'eau en Chine sont situés de manière très inégale. Si le sud du pays souffrent chaque année de graves inondations, le Nord lui, manque cruellement d'eau potable. L'ouest du pays mène traditionnellement une lutte contre des zones de désertification. Dans cette zone, la consommation d'eau par habitant n'est pas plus d'un tiers de celle des autres régions du pays. La consommation d'eau évolue. Si dans les années 90, le principal consommateur d'eau était l'agriculture avec 82%, à présent, cette part est tombée à 66%, tandis que la part de la consommation industrielle a augmenté à 25%.
 
Compte tenu de l'importance de ce problème, les autorités chinoises ont publié une discussion de niveau ministériel de l'organe exécutif du gouvernement central sur cette question des ressources en eau de la Chine. En outre, ce ministère dispose de succursales dans chaque province. De plus, à la frontière avec l'Asie centrale, la politique à long terme du Xinjiang sur les questions de l'eau a été produite par un département des ressources en eau du Xinjiang. Cette institution permet de contrôler l'exécution des décisions du gouvernement sur les questions de l'eau, et travaille également sur les plans et projets pour la construction des ouvrages hydrauliques sur les rivières du Xinjiang.
 
Depuis la fin des années 90 et au début des années 2000, le gouvernement chinois a lancé un projet à grande échelle pour développer ses régions occidentales. La stratégie du «Grand développement de l'Ouest » inclut des plans pour intensifier l'utilisation des ressources en eau, en particulier dans le territoire du Xinjiang. En particulier, concernant la rivière Irtysh, les autorités chinoises ont développé le dit "Projet 635", qui depuis la fin des années 90, a déployé sur la rivière des travaux de construction de grande échelle. L'un des principaux objectifs du projet était la construction du canal de drainage "Irtysh-Karamay". Le canal a été mis en service en août 2000, sa largeur est de 22 m et sa longueur de 300 km.
 
Il faut garder à l'esprit que la construction d'un canal et d'autres centrales hydroélectriques n'a été que la première étape de la mise en œuvre du «Projet 635», et ces travaux de ce projet se poursuivront jusqu'en 2020. À cet égard, une préoccupation persiste sur le devenir des plans du gouvernement du Xinjiang, visant à accroître la superficie des cultures de coton et de céréales dans la province autonome, ainsi que de fournir de nouvelles installations industrielles de l'eau dans la zone du Karamay.
Les résultats de certaines études kazakhstanaises montrent que le détournement à grande échelle des eaux transfrontalières de la rivière Irtych par la Chine est susceptible d'entraîner les conséquences négatives suivantes pour le Kazakhstan :
 
     - Perturbation de l'équilibre naturel de l'eau et de la nature dans la région du lac Balkhach et Zaïsan
     - Détérioration des conditions épidémiologiques et environnementales dans ces régions, dégradation du climat, accroissement naturel de la concentration de substances nocives dans l'eau, ce qui la rendra pratiquement inutilisable pour la consommation économique et domestique
     - Diminution de la production d'électricité hydroélectrique sur l'Irtysh: jusqu'à 25% d'ici 2030 et jusqu'à 40% d'ici à 2050.
     - Suspension de la navigation sur l'Irtych à partir de 2020
     - Dégradation des prairies des plaines inondables bordant l'Irtych, réduction du réservoir Boukhtarma et séparation du lac Zaïsan
     - Aggravation des problèmes d'approvisionnement en eau des villes et villages côtiers et réduction des récoltes
 
Sur les rives de l'Ili, les autorités chinoises ont  prévu de construire plus de 30 centrales électriques, plus de dix grands réservoirs, barrages et autres ouvrages hydrauliques. À l'heure actuelle, le prélèvement d'eau de la rivière Ili dans le territoire chinois sera selon les prévisions, d'environ 3,5 km3/an, dans les années à venir il pourrait atteindre 5 km3/an. Selon les estimations d'experts, la mise en œuvre des projets prévus sur la rivière Ili conduit au fait qu'en 2050, le débit du fleuve au Kazakhstan sera réduit de 40%.
 
En outre, après la mise en service de sites industriels, principalement pour la production de pétrole et son raffinage, les entreprises situées dans le bassin de la rivière Ili en Chine, augmentera la pollution des eaux de la rivière. Ces problèmes, associés à la rareté de l'eau dans la rivière Ili, peuvent contribuer à une forte diminution de la profondeur du lac Balkhach. La rivière Ili donne environ 75% de l'afflux total du lac Balkhach.

Le principal document officiel qui réglemente les relations du Kazakhstan et de la Chine pour l'eau est un accord signé en 2001 entre les deux gouvernements sur "la coopération dans l'utilisation et la protection des cours d'eau transfrontaliers". À l'heure actuelle, les questions de l'eau sont discutées dans le cadre de la commission mixte kazakho-chinoise sur l'utilisation et la protection des cours d'eau transfrontaliers.
 
En plus de cet accord, dans la période allant de 2001 à ce jour, plus de deux douzaine d'accords et traités régissant l'utilisation rationnelle des ressources des rivières transfrontières entre Kazakhstan et la Chine ont été signés. En conséquence, aujourd'hui, il y a tout le cadre juridique nécessaire pour trouver une solution finale au problème de l'eau entre les deux pays.
 
À ce jour, le Kazakhstan est parvenu à une répartition équitable de la rivière Korgas. Le 13 Novembre 2010, lors de la 7ème réunion de la commission il a signé l'« accord sur la construction conjointe de l'aqueduc Dostyk sur la rivière Korgas ». Les coûts de construction sont divisés à parts égales entre les parties kazakhe et chinoise. Cette infrastructure hydraulique permettra également au deux parties de prendre de l'eau pour l'irrigation. Korgas est la première rivière pour laquelle un accord a été conclu sur la base d'un partage de l'eau à part égale. Le principal objectif du Kazakhstan est d'aboutir aux mêmes dispositions pour les autres cours d'eau transfrontaliers.
 
Les analystes politiques kazakhs relèvent que la Chine continuait à ignorer ce problème malgré ce précédent, mais a fini par l'accepter. A présent, nous pouvons dire que c'est une question bilatérale et que des mécanismes bilatéraux de contrôle de l'utilisation de l'eau ont commencé à émerger.
 
En Avril 2013, se trouvant en visite officielle à la République populaire de Chine, M. Noursoultan Nazarbaïev a entre autres questions, abordées la question et le problème actuel des cours d'eau transfrontaliers. Selon le président de la République populaire de Chine, M. Xi Jinping, la Chine ne fera jamais rien qui nuirait ou créerait des dommages à la partie kazakhstanaise. Ce qui est positif, a été la déclaration de Pékin selon laquelle la Chine ne sera pas dans une position d'égoïsme nationale au sujet de l'eau. La partie chinoise a réaffirmé que l'utilisation des fleuves transfrontaliers sur le territoire de l'une des parties ne devrait pas nuire à l'autre.
 
Selon le ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, Yerlan Idrisov, le Kazakhstan et la Chine ont l'intention de signer un accord sur la répartition entre les deux pays, de l'eau de 24 rivières transfrontalières. En 2013, le ministère des affaires étrangères du Kazakhstan conjointement avec le Ministère de l'Environnement et des Ressources en eau a créé le conseil consultatif sur l'utilisation et la protection des cours d'eau transfrontaliers avec les pays voisins. Ce corps d'experts formulera des recommandations spécifiques pour la promotion des intérêts et des priorités du Kazakhstan dans ce domaine.
Selon M. Idrisov, pour la période de 2001 à l'heure actuelle, 10 réunions de la commission mixte sino-kazakhe sur l'utilisation et la protection des cours d'eau transfrontaliers, ont abouti dans ce secteur à la signature de sept accords bilatéraux.

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