mardi 24 mai 2016

Au Vietnam, Obama renforce le front antichinois


Pour l’anecdote, les réseaux sociaux diffuseront en boucle les images d’un Barack Obama, baguettes à la main, en train de déguster un plat à 6 dollars dans un petit restaurant de Hanoï. La plus grande histoire, elle, retiendra qu’à quelques mois du terme de son dernier mandat, le président des Etats-Unis s’est une nouvelle fois livré à un exercice de géopolitique dans lequel il excelle.

Dans un discours prononcé mardi à Hanoï devant plus de 2000 personnes et retransmis en direct à la télévision, Barack Obama a non seulement loué la solidité des liens noués entre les ennemis d’hier, mais s’est encore lancé dans un vibrant plaidoyer pour la démocratie et la liberté de la presse, dans un pays où règne encore le parti unique. «Je viens ici, conscient du passé, de notre histoire difficile, mais tourné vers l’avenir», a lancé Obama, troisième président américain à se rendre au Vietnam depuis la fin de la guerre en 1975. «Nous pouvons dire une phrase longtemps inimaginable: aujourd’hui, le Vietnam et les Etats-Unis sont partenaires!»
Levées de l'embargo sur les armes

Lundi, concrétisant une des principales motivations de son voyage, le locataire de la Maison-Blanche avait annoncé la levée de l’embargo sur les ventes d’armes américaines à Hanoï. Une décision immédiatement critiquée par Pékin, qui y voit la volonté de Washington de «contenir la Chine».
Il est vrai que cette décision intervient dans un contexte où Pékin et Hanoï (et d’autres pays riverains) se disputent la souveraineté d’îles en mer de Chine méridionale, une rivalité qui avait culminé en 2014 au Vietnam avec de meurtrières émeutes antichinoises.
Obama a pourtant assuré que la levée de l’embargo sur les ventes d’armes à Hanoï ne visait pas Pékin. «C’est tout simplement un très médiocre mensonge», a dénoncé mardi le Global Times, quotidien proche du Parti communiste chinois au pouvoir. Titillant encore un peu plus Pékin, Obama a encore affirmé mardi que «les grands pays ne devraient pas intimider les plus petits».

Politique de «pivot»

«Il ne fait guère de doute que ce voyage d’Obama au Vietnam vise à renforcer le front antichinois en Asie et à rassurer les anciens et les nouveaux alliés de Washington, commente Olivier Guillard, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste de l’Asie. Cela rentre parfaitement dans la politique de «rééquilibrage» ou de «pivot» vers l’Asie que mène Washington pour renforcer son influence dans la région.»
«Rien n’est innocent en politique étrangère, poursuit le spécialiste. En fin de mandat, Obama profite aussi de la liberté de parole que lui donne ce statut pour poser des actes symboliques. Après la Birmanie et Cuba, et avant de se rendre à Hiroshima vendredi, l’étape vietnamienne doit lui permettre de laisser un bon souvenir, de marquer l’histoire.»
Et puis, conclut Olivier Guillard, «cette sorte de visite d’adieu en Asie et les actes qui l’accompagnent sont aussi l’occasion pour Barack Obama de préparer l’avenir de son successeur qu’il espère être de son camp.» 

Par Bernard Bridel sur www.tdg.ch le 24/05/2016

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