samedi 10 décembre 2016

En Asie du Sud-Est, les fermes d'élevage de tigres mettent à mal la protection de ces animaux


Dans certains pays d'Asie du Sud-Est se développent des fermes d'élevage de tigres. Ces établissements controversés sont accusés d'alimenter le commerce de parties et de produits issus de ces animaux. Sciences et Avenir a recueilli les explications de Stéphane Ringuet chargé du programme "Commerce des Espèces Sauvages" au WWF France.

MENACE. Chaque année, au minimum 109 tigres sont tués pour alimenter le commerce illégal. Selon un rapport de TRAFFIC, le réseau mondial de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvages, les tigres provenant de fermes d’élevage représentent 30 % de ce marché. Stéphane Ringuet est chargé du programme « Commerce des Espèces Sauvages » au WWF France. Interrogé par Sciences et Avenir, il explique le danger que représentent ces établissements pour la conservation des tigres.

Sciences et Avenir : Qu’est-ce qu’une ferme d’élevage de tigres ?

Stéphane Ringuet : C’est un établissement facilitant l’élevage de tigres en captivité avec l’intention (ou avec une probabilité raisonnable) d’approvisionner ou de s’engager directement dans un commerce à but lucratif de parties et/ou de produits issus de tigres. Ces structures peuvent avoir plusieurs objectifs, affichés ou non : par exemple, ils peuvent présenter des tigres aux touristes à des fins "récréatives". Mais, ils sont aussi capables d’alimenter le trafic de ces animaux.

Ces fermes jouent-elles également un rôle actif dans la protection des tigres comme le clament certaines ?

Mon avis est que ces fermes ne contribuent ni de près ni de loin à la protection des tigres dans la nature. Au contraire, ce type d’établissement pose plusieurs problèmes dont l’alimentation et la dissimulation de filières illégales. De plus, elles minent les efforts d’application de la loi sur la conservation. Elles entretiennent la vente de parties ou de produits de tigres ce qui perpétue, voir augmente, la demande. Tout cela renforce la pression sur les tigres sauvages, qui sont considérés comme plus prestigieux. Ici, l’élevage ne sert qu’à légitimer et à normaliser la vente de produits provenant de ces animaux.
Sont-elles légales ?

Sur le plan international, la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) interdit les échanges commerciaux internationaux de parties et de produits de tigres. Ces animaux ne devraient donc pas être élevés pour ce type de commerce. Au niveau national, les pays doivent donc traduire en droit interne les dispositions de la CITES, notamment ceux dans lesquels sont présents ces établissements (Chine, Thaïlande, Vietnam et Laos). Encore faut-il qu’ils le fassent clairement, avec des lois nationales précises et en évitant tout flou juridique par rapport aux activités en lien avec  ces établissements. Mais le fait est qu’il existe un manque de transparence, de suivi et de contrôle au niveau des fermes d’élevage. Puis la loi ne fait pas tout. Il faut aussi l’appliquer et s’en donner les moyens. C’est avant tout une histoire de volonté politique.
Ces pays autorisent-ils la vente de parties de tigres par les fermes d’élevage ?

Bien évidemment, si la loi du pays est mal écrite, ces établissements vont utiliser ses failles pour continuer leurs activités de vente de sous-produits (griffes…). Il est donc important de clore ces fermes à but commercial, et de s’assurer que les lois nationales interdisent le commerce « légal » de parties et de produits de tigres. En attendant, il faut dès maintenant s’assurer que les animaux qu’elles hébergent ne rentrent pas dans le circuit du commerce illégal. Pour cela, ces félins doivent être traçables. Il est donc nécessaire de créer une base de données regroupant les motifs des rayures des spécimens sauvages et de ceux élevés en captivité afin d’être capable ensuite de déterminer l’origine des peaux de tigres saisies. Ceci permettra notamment de renforcer la transparence de ces établissements, de consolider leur surveillance et leur contrôle, et d’amener à des poursuites et des sanctions s’ils se retrouvent impliqués dans le commerce illégal.
Par Anne-Sophie Tassart le 09/12/2016 sur www.sciencesetavenir.fr

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