La croissance chinoise continue de perdre de la vigueur pour le cinquième trimestre consécutif, tombant à son rythme le plus lent depuis trois ans. Le produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie mondiale a progressé de 8,1 % en rythme annuel au premier trimestre, contre 8,9 % au cours des trois mois précédents, selon les chiffres officiels publiés vendredi 13 avril.
Il faut remonter début 2009 pour retrouver une progression à une allure aussi "modeste". "Le rythme a été plus lent que prévu", relève Lan Shen, économiste de la banque Standard Chartered à Shanghaï. La plupart des analystes anticipaient une décélération moins brusque, autour de 8,4 %. La Chine souffre d'abord du ralentissement des commandes occidentales, conséquence notamment de la crise européenne. L'indice de production industrielle ne progresse que de 11,6 %, contre 15,7 % un an plus tôt.
La pression sur les exportateurs est qualifiée d'"énorme" par le Bureau des statistiques. En février, le pays a enregistré un déficit extérieur d'une ampleur inédite depuis une décennie, avant de revenir, en mars, à un excédent relativement maigre, de 5,35 milliards de dollars (4,06 milliards d'euros).
Mais c'est aussi la situation interne qui pèse. La consommation chinoise n'a pas pris le relais des exportations. Après avoir fermé les vannes du crédit, entre l'été 2010 et l'automne 2011, pour endiguer la hausse des prix - avec succès, l'inflation n'ayant pas dépassé 3,6 % sur un an en mars -, Pékin est passé à la stimulation de l'activité. Mais timidement.
La Banque populaire de Chine a réduit à deux reprises, en novembre, puis en février, les ratios de réserve imposés aux banques commerciales. Mais cette mesure quantitative est moins énergique qu'une baisse des taux d'intérêt.
"Le relâchement de la politique macroéconomique a été trop lent sur le début de l'année", juge cependant Gao Xu, chef économiste d'Everbright Investissements, qui estime que les chiffres du PIB du premier trimestre "inciteront les autorités à offrir davantage de soutien". "Cela est déjà perceptible sur les crédits accordés en mars", note-t-il. Les banques chinoises ont prêté 1 010 milliards de yuans (122 milliards d'euros) en mars, contre 710 milliards en février.
FAIBLESSE CYCLIQUE
La relative morosité se traduit au niveau des consommateurs, même si, globalement, les ventes de détail ont progressé de 15,2 % sur un an en mars, après n'avoir avancé que de 14,7 % sur les mois de janvier et février.
Dans le secteur automobile - pour lequel la Chine est le premier marché mondial - les ventes ont ainsi reculé de 3,4 % d'une année sur l'autre au premier trimestre, atteignant 4,79 millions de véhicules, a annoncé mercredi l'Association des constructeurs automobiles chinois.
Le gouvernement a déjà revu à la baisse son objectif de croissance du PIB sur l'ensemble de l'année, à +7,5 %. Ce chiffre est généralement perçu comme un plancher, la limite du tolérable, davantage que comme une anticipation. Pékin s'était fixé un objectif de 8 % au cours des dernières années, mais a toujours fait mieux en bout de course.
Jeudi, la Banque mondiale a estimé que l'économie chinoise progressera de 8,2 % en 2012 et de 8,6 % en 2013, des chiffres faibles en comparaison des 9,2 % et 10,4 % atteints respectivement en 2010 et 2011.
"L'épisode actuel de faiblesse cyclique montre les limites du modèle de croissance chinois tiré par les exportations, le crédit et l'investissement", note Philip Schllekens, l'économiste de la Banque mondiale chargé de ces estimations. L'institution mise toujours sur un "atterrissage en douceur".
L'économie chinoise était en surchauffe, surtout son marché immobilier qui tire 12 % du PIB et est désormais en phase de freinage. Dégonfler ces bulles est un exercice de passage pour les futurs dirigeants du pays, avant la passation de pouvoir, fin 2012. Notamment pour le futur premier ministre, Li Keqiang, chargé du dossier immobilier.
La Banque mondiale note que le ralentissement actuel est "partiellement bienvenu", dans la mesure où croissance se tenait jusqu'alors "au-delà de son potentiel". Gérer la descente est pourtant un numéro d'équilibriste : "la priorité absolue, à court terme, est de faciliter le ralentissement graduel, tout en se protégeant des risques de chute, qui restent élevés", analyse l'institution.
Le ralentissement étant "plus rapide qu'anticipé", la banque HSBC a estimé de son côté, vendredi, que l'exercice se traduira, sous peu, par de nouveaux relâchements sur le crédit.
Le 13/04/2012 par Harold Thibault sur www.lemonde.fr
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