mardi 30 avril 2013

La rivière Irtysh

L'utilisation des cours d'eau est l'un des principaux problèmes environnementaux en Russie, au Kazakhstan et en Chine. Selon les experts, il s'agit d'une véritable ingénierie hydraulique de guerre.

Pour la Chine, chaque année, l'eau devient une ressource de plus en plus précieuse, qui devient une denrée rare sous l'influence de facteurs anthropiques et de la croissance rapide de l'économie. Selon des prévisions pour 2030,  l'Empire Céleste sera forcé d'importer environ 240 milliards de mètres cubes d'eau par an.

Aujourd'hui en Chine, il n'y a que 2.100 mètres cubes d'eau par an et par habitant, soit environ 28% de la moyenne internationale. Plus de 400 villes souffrent d'un manque d'eau courante. Plus d'une centaine d'entre elles connaissent une grave pénurie d'eau potable. En particulier, à Pékin en 2011, le niveau d'eau a chuté à 120 mètres cubes par an et par habitant.

Selon ces experts, les ressources en eau de la Chine sont en train de s'épuiser à cause de systèmes d'irrigation inefficaces, de la croissance rapide de l'industrie et de l'expansion incontrôlée de la superficie cultivée.

Cette situation particulièrement aigue se développe dans les régions de l'ouest du pays, où le gouvernement de la Chine s'occupe activement de cette question à travers l'utilisation de l'eau des fleuves transfrontaliers avec la Russie et le Kazakhstan.

Tout d'abord, le programme de développement de la province ouest de la Région autonome ouïgoure du Xinjiang occupe une place particulière. Le Xinjiang va se transformer en un centre commercial régional en Asie centrale ouvrant davantage l'accès vers l'Est. L'industrie pétrolière et l'agriculture y sont en plein essor. Cependant, les réserves de ressources en eau sont les plus pauvres des provinces en Chine.

Le Xinjiang dispose d'environ 26,3 kilomètres cubes par an d'eau. Cela est suffisant pour alimenter en eau 18 millions de personnes. Toutefois, aujourd'hui dans la province, la population a dépassé les 20 millions de personnes et ce chiffre ne fera que croître alors que la Chine fait arriver délibérément dans la province des Han (représentants de la nation titulaire) pour diluer les minorités ethniques. C'est la politique d'assimilation de la région la plus extrémiste de la Chine, qui prévoit une augmentation de la population de l'ordre de 60 à 100 millions de personnes.

Afin d'assurer la sécurité alimentaire dans les zones nouvellement peuplées, le gouvernement de la Chine construit un canal "Irtych-Urumqi" pour l'irrigation qui se développe rapidement. Pour l'agriculture,  plus de six cent mille hectares du Xinjiang sont déjà utilisés, il est prévu d'étendre cette surface à deux millions d'hectares.

Un autre facteur de déstabilisation de la situation de l'eau dans la région est la construction du canal Irtych Noir - Karamay long de trois cent kilomètres avec une capacité théorique de 5 km cube par an.

Il suggère qu'à moyen terme, la Chine sera en mesure d'augmenter la consommation d'eau jusqu'à huit kilomètres cubes par an. Quand on  considère que le débit formé sur le bassin de l'Irtych Noir en République populaire de Chine est d'environ 9 kilomètres cubes d'eau par an, ce projet pourrait correspondre à un détournement de cette rivière vers les zones d'Urumqi et de Karamay. Dans ce cas, il ne reste même pas les 30% légaux d'eau en circulation, qui sont supposés être des réserves écologiques inviolables.

Les prévisions formulées par les experts sur suivi de la dynamique de la consommation d'eau par la partie chinoise sont pessimistes. Elles suggèrent que si la Chine poursuit sa politique d'utilisation incontrôlée des ressources en eau des fleuves transfrontaliers, les zones situées en aval sont menacées d'un désastre écologique.

À la suite de cette intervention dans l'équilibre de la région, le manque de débit peut augmenter tellement qu'il rendra très difficile de maintenir les besoins minimum en eau sanitaire et interdira la navigation, la pêche, et le remplissage des bassins.

Pour comprendre l'ampleur des impacts potentiels, il suffit de suivre la rivière sur une carte. L'Irtych Noir et l'un ses principaux affluents proviennent du territoire de la Chine et se jette dans le lac Zaysan au Kazakhstan. Selon un scénario négatif, ce milieu naturel pourrait subir le même sort que la mer d'Aral, car il n'a pas d'autres sources alternatives d'alimentation en eau.

Aujourd'hui, il y a lieu de s'inquiéter. Par exemple, dans le réservoir Buhtarmin situé à l'embouchure de l'Irtych au Kazakhstan, la berge a reculé de plus de 10 mètres au cours des dernières années, le niveau de l'eau est à 60%, et l'isthme Turanga, jusqu'alors vivier piscicole actif, est tari. Selon les dernières estimations, le niveau de l'eau dans l'Irtych est à 43%, soit en dessous de la norme attendue.

Des problèmes similaires existent en Russie. À la suite de l'augmentation des prélèvements d'eau en Chine, un certain nombre de régions russes où coule l'Irtych, ont déjà perdu plus de 2 milliards de mètres cubes d'eau par an. Par exemple, dans la région d'Omsk ​​le processus de désertification a commencé. De nombreuses espèces de la flore et de la faune souffrent également dans les régions de Kurgan et Tyumen.

La situation est critique pour le fleuve transfrontalier Ili qui forme son débit en Chine et fournit l'unique lac Balkhash, situé sur le territoire du Kazakhstan. Dans les années 70 du siècle dernier, il y a eu un précédent lorsque qu'à cause de l'activité économique de la Chine, il y a eu une menace directe sur la diminution de la profondeur du plan d'eau. Puis, sous la pression du gouvernement soviétique cette situation fut résolue. Mais aujourd'hui dans le bassin de la rivière Ili, la Chine met à présent en œuvre des projets qui pourraient diminuer le débit de la rivière de plus de 40% d'ici 2050.

En d'autres termes, la Russie et le Kazakhstan sont pris dans le piège Hydropolitique de la Chine. Les négociations sur le sujet ont duré plus d'une décennie et n'ont pas apporté de résultats significatifs. Tout d'abord, l'Empire Céleste refuse de négocier au niveau multilatéral. Il refuse de discuter de ces questions dans le cadre de l'OCS. D'autre part, les accords qui ont été conclus ne changent rien fondamentalement.

Moscou et Pékin ont signé en 2008 un accord intergouvernemental sur l'utilisation rationnelle des eaux transfrontalières et leur protection. Cependant, cela n'a pas tempéré l'appétit de Pékin, qui continue à augmenter sa consommation d'eau.

Astana et Pékin ont également conclu de nombreux accords régissant leur relation avec l'eau. Une commission conjointe sino-kazakhe a permis la rencontre de groupes d'experts internationaux. Les documents signés sont certainement importants et nécessaires. Toutefois, personne ne touche dans ces rencontres un point clé : la répartition de l'eau de la rivière Irtych. Selon les dernières informations, une décision est prévue pour 2014.

Ainsi, connaissant les tactiques chinoises de négociation sur les questions de l'eau, à leur paroxysme dans ce processus, il est à craindre que la situation de l'environnement dans le bassin de l'Irtych soit toujours plus proche de la catastrophe. Au moment où la Chine sera « mûre », il se pourrait qu'il n'y ait plus rien à partager ...

Par conséquent, la Russie se pose la question : que faire ? Faire appel au droit international ?

En vertu du droit international, un pays parcouru par un cours d'eau international s'engage à ne pas causer de «dommage significatif» vers d'autres pays dans lequel ce cours d'eau poursuit son chemin, et à coopérer dans le développement de façon équitable et raisonnable. Si le mal est fait, « un débat pour un dédommagement » est ouvert.

Mais ... afin que ces « mesures raisonnables » prennent effet, la Chine devrait joindre les deux principaux accords internationaux, la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux et la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontaliers et des lacs internationaux.
 
Pour des raisons évidentes, l'Empire Céleste ne veut pas signer ces conventions. Par conséquent, il est nécessaire de forcer la Chine à le faire. Les experts travaillant sur ce sujet pensent à une guerre diplomatique douce.

Pour assouplir la position de Pékin, la Fédération de Russie et le Kazakhstan ont l'intention d'utiliser le potentiel de toutes les formes de contact, y compris les sommets, la voie diplomatique et les accords intergouvernementaux.

En fin de compte, il convient de rappeler à la Chine les principes mutuellement bénéfiques d'amitié, de bon voisinage et de partenariat équitable. Après tout, ce que nous voyons aujourd'hui ne peut pas être appelé un partenariat. Le jeu est à sens unique. Par conséquent, il est nécessaire de combiner les efforts de la Russie et du Kazakhstan pour une résolution rapide du statut juridique de l'Irtych. Il est important de trouver les bons arguments, et ensemble, de rendre beaucoup plus facile la voie pour que l'Empire Céleste se montre plus coopératif et commencer à vivre en bons voisins.

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