La chute de la Bourse de Shanghai, -32 % en un mois, fait tâche d'huile. Les entreprises suspendent leur cotation pour se prémunir de la panique.
Si l'Europe ne pense qu'à la Grèce, une bonne partie du reste du monde a les yeux rivés sur la déroute des actions chinoises. L'indice CSI 300 qui regroupe les principales valeurs cotées à Shanghai et Shenzhen, a chuté mercredi de 6,75 %, portant son repli à 32 % depuis le 12 juin. Une chute qui commence à rendre nerveux les marchés voisins. Le Hang Seng de la Bourse de Hong Kong a plongé mercredi de 5,8 %, sa plus forte chute depuis novembre 2008, au début de la crise financière. Taiwan a perdu de son côté près de 3 %. Même la bourse japonaise a flanché de 3,14%, sa pire séance depuis mars 2014, dans le sillage des valeurs jugées sensibles à la croissance chinoise, comme Komatsu (-5,8%), Hitachi Construction Machinery (-4 %) ou Sumitomo (5,2 %) . Même l'Inde n'est pas épargnée. L'indice Sensex a cédé 1,72% et des valeurs comme Vedanda (cuivre) ou Tata Motors ont plongé de 9,2 % et 6,4 %. Ce dernier souffre des craintes de baisse des ventes de ses marques Jaguar et Land Rover. Il réalise plus de 50 % de son bénéfice d'exploitation en Chine selon Sanford C Bernstein.
Entreprises dépassées
La crainte est d'autant plus forte que rien ne semble devoir ralentir la correction du marché chinois, pas même les nombreuses mesures prises par les autorités. Conséquence, les entreprises, dépassées, n'ont plus d'autre choix que de demander au régulateur une suspension de leur cotation pour tenter d'échapper à la curée. «Une tentative désespérée de mettre un terme à la chute », constate Aurel BGC. Sur le CSI 300, 85 actions de grands groupes industriel, énergétique, de transport, de media, de santé, n'ont donné lieu à aucune cotation mercredi. Deux fois plus que mardi . Au total, selon Bloomberg, les échanges seraient impossibles sur 1.249 titres de sociétés chinoises, soit 43 % de la cote. Des valeurs qui pèsent près d'un tiers de la capitalisation boursière chinoise. Sur l'indice ChiNext des valeurs innovantes et de croissance, qui a plongé de 40 % depuis le 3 juin, seulement 23 valeurs ont été cotées... pour 76 suspendues ! Des valeurs dont les investisseurs locaux étaient très friands.
« Les gens vendent tout ce qu'ils peuvent sur le marché pour avoir du cash, car ils ont besoin de couvrir leurs pertes lors des appels de marge », explique à Bloomberg un gestionnaire d'actifs local. C'est ce qui explique un mouvement de baissé généralisée qui touche aussi les grandes entreprises de la cote. La chute de la bourse est en effet liée en grande partie à l'explosion du système du trading sur marge qui permettait à des millions de particuliers de spéculer en Bourse avec de l'argent emprunté… Quand aux autres investisseurs, « ils sont tétanisés par la peur que l'économie chinoise soit touchée par cette crise ».
Marché immature
Marché immature
Une crise qui montre bien l'immaturité de la bourse chinoise et le manque criant d'investisseurs institutionnels capables d'avoir une vision de plus long terme et de stabiliser le marché en cas de panique. «La suspension de cotation de la moitié des valeurs chinoises est un signal désastreux qui a renforcé le mouvement de baisse », estime Tangui Le Liboux chez Aurel BGC. S'en suit une panne de confiance qui trouve aussi sa source dans l'incapacité des autorités chinoises à inverser la tendance. « Les investisseurs sont déçus et effrayés par le fait que les pouvoirs publics chinois aient perdu le contrôle » explique Mari Oshidari, stratégiste chez Okasan Securities.
Selon NN Investment Partners, même après cette correction, le marché chinois « n'est pas donné. Le PER (rapport cours bénéfice) des actions A est encore de 60 fois, un niveau de bulle et doit être replacé dans une perspective de ralentissement économique. Nous craignons que la correction se poursuive, avec le risque que les marchés se concentrent plus sur les problèmes structurelles du pays ». D'autant que selon Citigroup, seulement un quart des positions de trading sur marge auraient été débouclées. Elles représentaient récemment 9,4 % du flottant, un doublement en un an.
Confiance
Confiance
Dans ce concert très négatif, HSBC estime que le plus dur n'est pas loin d'être passé. Roger Xie, stratégiste de la banque, qui avait choisi en avril de diminuer son exposition aux grandes valeurs chinoises (A Shares) vient de relever son opinion à neutre. « Le montant du financement sur marge a chuté d'environ 22 % depuis le pic de juin, et le pire du désendettement des ménages sur ce sujet est derrière nous. Les ventes des « initiés », qui travaillent dans les grandes sociétés cotées ont aussi diminué drastiquement ces dernières semaines », selon lui. Surtout, Roger Xie maintient sa confiance dans le régulateur, « qui a encore des options à sa disposition pour stabiliser le marché et restaurer la confiance », même si c'est au prix d'une plus grande volatilité. Il remonte donc son objectif sur le CSI 300 à 4.200 points à la fin d'année, contre 3.800 points auparavant.
Par Pierrick Fay sur www.lesechos.fr le 08/07/2015
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