vendredi 10 août 2012

Problématique de la répartition de l'eau en Asie centrale

Les problèmes énergétiques et ceux liés à l’eau pourraient déclencher une nouvelle source d'instabilité en Asie centrale. L'eau, qui chaque année devient une ressource de plus en plus rare, est une pierre d'achoppement dans les relations entre les anciennes républiques soviétiques.
Ce problème est particulièrement préoccupant, et aboutit à un conflit larvé entre  l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan. La situation est mûre pour un haut degré de confrontation, de sorte que même les militaires russes ont exprimé de sérieuses préoccupations quant à la probabilité de conflits armés locaux.
En particulier, c’est ce qu’affirme le commandant des forces terrestres de la Russie, Vladimir Chirkin. La Russie n'a pas besoin d'une nouvelle zone de tension à l'intérieur de leurs frontières, particulièrement pendant le retrait des forces de la coalition d’Afghanistan, ce qui fait de ce problème une question primordiale pour Moscou.
De même, les analystes occidentaux n'excluent pas la possibilité d'une confrontation militaire entre les pays d'Asie centrale. La présidente du Groupe International sur la Crise, Louise Arbour, a publié en Décembre 2011 dans Foreign Policy l’article classant "10 guerres en 2012", dans lequel l'Asie centrale se trouve à la sixième place. Une vision similaire est parue sur le site internet américain «EurasiaNet».
Quel est le problème? Est-il trop tard pour qu’un dialogue pacifique ne puisse s’installer ? Pour répondre à cette question, nous devons commencer par comprendre le conflit.
Tout a commencé il y a deux décennies avec la parade des déclarations d’indépendances. Avec l'effondrement de l'Union soviétique, les liens économiques se sont brisés, les secteurs économiques de l’eau et de l’énergie en Asie centrale se sont disloqués. Nous en connaissons  le résultat. Le Kirghizistan et le Tadjikistan, situés dans la partie amont des deux principaux fleuves, le Syr-Daria et l’Amou-Darya, ont pensé qu’il serait intéressant d’utiliser plus fortement leur potentiel hydroélectrique. De leur coté, le Kazakhstan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan, ont principalement mis l’accent sur l'irrigation pour l'exploitation agricole sur la base des réseaux construits pendant la période soviétique et ont prévu de construire de nouvelles centrales hydroélectriques.
Hélas, les négociations intergouvernementales sur la question ont été extrêmement contreproductives. En conséquence, le régime de répartition d’eau existant était cassé. Par exemple, aux dépends des intérêts du Kazakhstan, le Kirghizistan a commencé à accumuler de l'eau dans la saison de croissance des cultures pour la relâcher au cours de l'hiver afin de générer de l’électricité.
Durant l'été, cette politique a conduit les agriculteurs à souffrir d'un manque d'eau, et en hiver, l'augmentation du ruissellement a provoqué de nombreuses inondations. Dans l'ensemble, cette situation a fait souffrir le cours inférieur de la rivière Syr-Daria, dans le sud du Kazakhstan. En fait, Astana était l'otage de la politique énergétique de Bichkek. Afin de protéger son territoire contre les pertes de plusieurs milliards de dollars liés aux catastrophes naturelles, le Kazakhstan a mis en place un projet de construction d'envergure, le barrage de régulation de Koksaray.
Il est à noter que ces dernières années, à travers de nombreuses négociations, le Kazakhstan et le Kirghizistan ont quand même réussi à trouver des solutions aux nombreuses questions litigieuses. En particulier, en 2011, il a été convenu des dispositions relatives à la fourniture de gaz, d'eau et d'électricité dans le cadre d’un accord sur l'échange mutuel de ressources.
Selon l’avis des experts de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, les expériences du Kazakhstan et du Kirghizistan peuvent aussi être utiles à d'autres pays d'Asie centrale.
L'exemple du dialogue constructif entre Astana et Bishkek, montre clairement qu’avec une volonté politique, le consensus peut être trouvé à tout moment. Mais malheureusement, une toute autre relation est observée entre l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, lesquels se trouvent dans une impasse.
Les contradictions s'accumulant depuis plus d'un an, ont abouti à une opposition sans compromis quand le Tadjikistan a commencé à construire le barrage hydroélectrique Rogun.
Faute de réserves de pétrole et de gaz, le gouvernement tadjik mise sur le développement rapide de l'énergie hydroélectrique. A l’horizon 2015, il a  non seulement l'intention de se débarrasser de sa dépendance énergétique à Tachkent, mais aussi d’exporter activement de l'électricité vers l'Iran, le Pakistan et l'Inde.
L’Ouzbékistan, à son tour, a déclaré que le lancement du projet de construction de la centrale hydroélectrique de Rogun, aura pour conséquence de baisser de 18% le niveau de l'Amou-Daria en été et de l'augmenter de 54% en hiver. Par conséquent, le printemps sera une période de sécheresse, l'hiver une saison d’inondations.
Le journal officiel ouzbek «La Vérité de l'Est» fait remarquer que la construction de la centrale hydroélectrique Rogun place à une échelle sérieuse, les risques technologiques, sociaux, environnementaux et socio-économiques. Les experts soutenus par des études scientifiques tadjikes et des sismologues prédisent s'attendre à de puissants tremblements de terre destructeurs dans cette chaîne de montagnes, dans les dix prochaines années.
Toutefois, le Tadjikistan dit que tout ira bien. La construction du barrage hydroélectrique de conception soviétique, permettrait de résister aux séismes allant jusqu'à la magnitude 7,5 dans l’échelle de Richter. Et s’il ne résistait pas ? Dans ce cas, un tsunami  recouvrira le cours inférieur et pourrait créer une véritable apocalypse.
En bref, les motifs des deux parties sont compréhensibles. Il est également clair qu'elles persistent, chacun insistant sur son point de vue. A cette occasion, les médias se livrent une guerre médiatique amère. Par ailleurs, ils en sont presque arrivés au conflit armé. Le Tadjikistan et l'Ouzbékistan en sont venus à s’opposer au printemps de cette année au sujet de la concentration de troupes à la frontière.
Heureusement, l’effusion de sang ne s'est pas produite, mais les parties continuent le rapport de force. Le risque de conflit local persiste donc. La calme guerre diplomatique s’est transformée en sanctions sévères contre le difficile voisin de Tachkent.
A ce jour, non seulement la frontière est minée, mais un blocus des transports du Tadjikistan a été décidé. Le tronçon de chemins de fer de Hashadi à Amuzang, dans le sud du pays a été entièrement démantelé et vendu.
Le 10/08/2012

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