Cinquante États – dont la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne – ont signé lundi à Pékin l'accord entérinant les statuts de la nouvelle banque asiatique de développement lancée à l'initiative de la Chine, laquelle aura un poids prédominant dans l'institution. L'Australie a été le premier pays à signer ce document établissant la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (BAII), a rapporté un journaliste de l'AFP, lors d'une cérémonie au grand palais du peuple.
Quarante-neuf autres États ont suivi, soit un total pour le moment de 50 membres fondateurs. Représentés lundi, sept autres (Danemark, Pologne, Afrique du Sud, Koweït, Malaisie, Philippines et Thaïlande) devraient les rejoindre d'ici à la fin de l'année. Dotée d'un capital de 100 milliards de dollars, la BAII doit être opérationnelle d'ici à décembre et contribuer à financer des travaux d'infrastructures en Asie, région où les investissements dans ce domaine font souvent défaut. «Notre initiative est conçue pour répondre aux besoins de développement des infrastructures en Asie (...), mais aussi pour approfondir les coopérations régionales», a affirmé lundi le Président chinois Xi Jinping, qualifiant la cérémonie d'«étape d'importance historique».
Après un lancement en grande pompe fin 2014, Pékin a réussi à rallier au projet nombre de pays occidentaux, mais pas les États-Unis ni le Japon, respectivement la première et la troisième économies mondiales. Washington avait exprimé de vives réserves vis-à-vis de la BAII, s'inquiétant de son manque de transparence, de sa rivalité avec les organisations de développement existantes, ainsi que du risque que Pékin l'utilise pour ses propres intérêts géopolitiques.
La BAII constitue de facto un contrepoids au contrôle exercé par les États-Unis sur la Banque mondiale (BM) et – aux côtés du Japon – sur la Banque asiatique de développement (BAD). Et la Chine ne cache pas son intention d'en faire un instrument de «soft power», dont pourraient profiter à plein ses entreprises en quête de débouchés internationaux.
Poids de la Chine
Le fonctionnement de la BAII, dont le siège sera situé à Pékin, accorde à la Chine un rôle prédominant, du fait même qu'elle en est, de très loin, le plus important contributeur, avec environ 30% des parts. Ce qui permettra à Pékin d'obtenir 26% des droits de vote, selon le gouvernement chinois. Or, la majorité qualifiée des trois quarts des voix des membres étant exigée pour certaines décisions structurelles, la Chine disposera dans ce cas d'une minorité de blocage. «La participation de la Chine et son importance dans les votes résultent naturellement des règles décidées par l'ensemble des membres fondateurs», a répliqué Shi Yaobin, vice-ministre chinois des Finances cité par un média étatique. «Nous n'avons pas cherché de façon délibérée à nous emparer d'un pouvoir de veto», a-t-il ajouté, expliquant que l'inclusion à l'avenir de nouveaux États amènera automatiquement une dilution dans la répartition actuelle.
Pékin, par ailleurs, «recommandera un solide et puissant candidat» pour assurer la présidence de la banque, a assuré M. Shi, sans précisions. L’Inde est le deuxième plus gros contributeur de l'institution (8,4%), suivi par la Russie (6,5%). Parmi les États non asiatiques membres fondateurs, l'Allemagne est le principal contributeur (4,5% des parts), suivie de la France (3,4%) et du Brésil (3,2%). Des sources proches du dossier, interrogées par l'AFP, avaient récemment tempéré les inquiétudes suscitées, arguant que les pays «non régionaux» pourraient également, en votant de concert, bloquer certaines décisions fondamentales.
Et les Européens ayant rejoint le projet avaient expliqué vouloir peser sur les négociations plutôt que de rester à l'écart, et contribuer à définir les standards de gouvernance de la future institution. Ses statuts publiés lundi indiquent, mais de façon vague, que la BAII s'assurera de «la conformité (de ses investissements) à ses politiques opérationnelles (...) notamment en matière d'incidence environnementale et sociale». «Cela apportera de nouvelles opportunités à nos entreprises, et promouvra une croissance durable à travers l'Asie», s'est félicitée la ministre Singapourienne des Finances Joséphine Teo. Pour autant, le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, réagissait lundi de façon circonspecte : «Nous allons regarder très attentivement, notamment la manière dont (la banque) opère en pratique».
Outre un «conseil des gouverneurs» réunissant des représentants des pays membres, les activités de l'institution seront pilotées par un conseil d'administration dont les 12 membres (neuf «régionaux» et trois «non régionaux) seront élus pour deux ans.
Par Julien Girault sur www.lematin.ma le 29/06/2015
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