mardi 31 juillet 2012

L'ère de l'extravagance est terminée

L'utilisation des fleuves transfrontaliers est l'un des principaux problèmes environnementaux en Russie, au Kazakhstan et en Chine. Disons le franchement, selon les experts c'est une véritable guerre hydrotechnique.
Pour la Chine, chaque année, l'eau est une ressource de plus en plus précieuse, qui par l'influence de facteurs anthropiques et de la croissance rapide de l'économie, devient une denrée rare. Selon les prévisions pour 2030, l'Empire Céleste devra importer environ 240 milliards de mètres cubes d'eau par an.
A ce jour en Chine, on compte 2100 mètres cubes d'eau par habitant et par an, soit environ 28% de la moyenne internationale. Plus de 400 villes souffrent d'un manque vital d'eau. Plus d'une centaine connaissent une grave pénurie d'eau potable. En particulier, à Pékin en 2011, le niveau d'eau est tombé à 120 mètres cubes par habitant et an.
Selon les experts, les ressources en eau de la Chine sont en diminution à cause de systèmes d'irrigation inefficaces, de la forte croissance industrielle et de l'expansion incontrôlée des zones cultivées.
La situation de l'approvisionnement en eau est particulièrement aiguë dans les régions occidentales du pays où les autorités de la Chine s'occupent activement de cette question grâce à l'utilisation des ressources des rivières transfrontalières avec la Russie et le Kazakhstan.
Le programme de développement du Xinjiang, province la plus occidentale de la Chine, occupe une place particulière. Donnant accès à l'Est, le Xinjiang projette de se transformer en un centre commercial régional en Asie centrale. L'industrie pétrolière et l'agriculture sont en plein essor, et ce malgré le fait que la réserve de ressources en eau de la province soit l'une des plus pauvres de Chine.
Ces quelques données permettent de mieux comprendre la situation : le Xinjiang dispose d'environ 26,3 km cubes d'eau par an. Cela est suffisant pour fournir de l'eau à 18 millions de personnes. Cependant aujourd'hui dans la province, la population a dépassé les 20 millions et ce chiffre ne fera que croître alors que la Chine colonise délibérément cette province de Han (représentants de la nation titulaire) afin de diluer les minorités ethniques. Il s'agit de la politique d'assimilation la plus extrême de la Chine, qui consisterait à augmenter la population jusqu'à 60 à 100 millions d'habitants.
Afin d'assurer une production de nourriture suffisante pour ces zones peuplées, le gouvernement chinois a construit le canal "Irtych-Urumchi" destiné à l'irrigation dont la superficie est en augmentation rapide. Au Xinjiang, l'agriculture utilise déjà plus de six cent mille hectares, il est prévu de l'étendre à deux millions d'hectares.
Un autre facteur de déstabilisation de la situation de l'eau dans la région est la construction des trois cents kilomètres du canal noir Irtych-Karamay ayant une capacité nominale de 5 kilomètres cube d'eau par an.
Selon les scientifiques, dans le moyen terme, la Chine aura la possibilité d'augmenter la consommation d'eau à huit kilomètres cubes par an. Étant donné que le débit de l'Irtych noir formé sur le territoire de la Chine est d'environ 9 kilomètres cubes d'eau, ce projet pourrait se traduire dans les faits par un détournement de la rivière dans les zones Karamay et Urumqi. Dans ce cas, il ne reste même pas 30% du débit pour la réserve écologique protégée.
Les prévisions pessimistes, exprimées par les experts sur le suivi de la dynamique de la consommation d'eau par la partie chinoise suggère que si la Chine va poursuivre sa politique d'utilisation incontrôlée des ressources en eau des rivières transfrontalières, les zones en aval feront face à une catastrophe écologique.
À la suite de ces interventions sur l'équilibre hydraulique dans la région, le déficit d'écoulement pourrait croître et engendrer l'interdiction de la navigation, de la pêche et des difficultés à garantir un niveau minimum d'eau pour alimenter les zones naturelles protégées.
Pour comprendre l'ampleur des possibles conséquences, suivons le cours du fleuve sur la carte. Le canal Irtych Noir est l'un des principaux affluents du fleuve Irtych. Il parcourt le territoire de la Chine et se jette dans le lac Zaisan (Kazakhstan). Dans un scénario négatif, ce lac peut subir le sort de la mer d'Aral, car il n'a pas d'autres sources pour se remplir.
Même aujourd'hui, il y a lieu de s'inquiéter. Par exemple, dans le réservoir de Boukhtarma, situé à l'embouchure de l'Irtych au Kazakhstan, le niveau de l'eau a reculé ces dernières années de plus de 10 mètres. Le lac n'est rempli qu'à seulement 60%. L'isthme de Bay Turanga où précédemment le poisson frayait, a également tari. Selon des estimations récentes le niveau de l'eau dans l'Irtych est à 43% en dessous de la norme.
Des problèmes similaires sont rencontrés en Russie. À la suite de l'accroissement de la consommation d'eau par la Chine, un certain nombre de régions russes parcourues par l'Irtych, perd déjà plus de 2 milliards de mètres cubes d'eau par an. Par exemple, dans la région d'Omsk un processus de désertification a ​​commencé. De nombreuses espèces de la faune et de la flore disparaissent. Les régions de Kourgan et de Tioumen souffrent également.
Une autre situation critique est celle de la rivière transfrontalière Ili, qui forme ses eaux en Chine et  alimente le lac Balkhach, situé sur le territoire du Kazakhstan. Dans les années 70 il y a eu un précédent. En raison de l'activité économique en Chine, il y a eu une menace directe sur la profondeur du lac. Sous la pression de l'Etat soviétique, cette situation menaçante a été résolue. Cependant en ce moment, dans le bassin de la rivière Ili, la Chine met en œuvre de nombreux projets qui réduiront le débit du fleuve de 40% d'ici 2050.
En d'autres termes, la Russie et le Kazakhstan sont devenus les otages de la politique de la Chine relative à l'eau. Les négociations sur ces questions qui durent depuis plus d'une décennie n'ont apporté aucun résultat significatif. Tout d'abord, l'Empire Céleste refuse de négocier dans un cadre multilatéral. Il refuse de discuter de ces questions au sein de l'OCS. En outre, les accords qui ont été conclu n'ont fondamentalement rien changé.
En 2008, Moscou et Pékin ont signé un accord intergouvernemental sur une utilisation rationnelle des eaux transfrontalières et sur leur protection. Toutefois, il n'a pas tempéré l'appétit de Pékin, qui continue d'augmenter sa consommation d'eau.
Sur l'axe Astana-Pékin, il a également été signé de nombreux accords régissant l'eau.  Une commission sino-kazakhe a été créée, au sein de laquelle se réunit des groupes d'experts internationaux. Toutefois, si les documents signés sont bien sûr importants et nécessaires, ils n'ont pas touché une question clé : la partition de l'eau de l'Irtych. Selon les derniers rapports une décision est prévue pour 2014.
Ainsi, connaissant les tactiques chinoises de négociation sur les questions relatives à l'eau, la Chine tentera de retarder ce processus au maximum. Il est à craindre que la situation environnementale dans le bassin de l'Irtych soit en passe de devenir catastrophique. Au moment où la Chine sera "mûre" il se pourrait qu'il n'y ait plus rien à partager...
Par conséquent, tout comme pour la question russe, que faire? Faire appel au droit international?
En vertu du droit international, un pays dont le territoire est traversé par un cours d'eau international doit assumer l'obligation de ne pas causer de «dommage significatif» aux autres pays également parcourus par ce cours d'eau, et de conduire son développement de manière équitable et raisonnable. Si le mal est fait, il est déclaré l'ouverture "de négociations de dédommagement".
Mais ... pour que ces mesures soient prises en compte, la Chine doit respecter les deux principaux accords internationaux qui sont la Convention sur le droit relatif aux utilisations autres que la navigation des cours d'eau internationaux et la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontaliers et des lacs internationaux.
Pour des raisons évidentes, l'Empire Céleste ne veut pas signer ces Conventions. Par conséquent, nous devons convaincre la Chine de le faire. Selon les experts, cette démarche conduirait à un conflit diplomatique.
Pour assouplir la position de Pékin, la Russie et le Kazakhstan ont l'intention d'utiliser le potentiel de toutes les formes de contacts, y compris les sommets, la voie diplomatique et les accords intergouvernementaux.
En fin de compte, il est nécessaire de rappeler à la Chine les déclarations d'amitié et de bon voisinage mutuellement bénéfique et de partenariat équitable. Après tout, ce que nous voyons aujourd'hui, ne peut pas être appelé un partenariat. Il est donc nécessaire de combiner les efforts de la Russie et du Kazakhstan pour régler rapidement la question du statut juridique de l'Irtych. Ensemble, il sera beaucoup plus facile de trouver des arguments, qui orienteraient l'Empire Céleste vers une position plus conforme, et enfin commencer à vivre en tant que voisins.
Par Alexeï Vlassov le 31/07/2012

Aucun commentaire: