lundi 22 octobre 2012

BP-Rosneft : le Kremlin veut établir un champion national dans chaque secteur énergétique

C'est tout le paradoxe du Kremlin depuis le retour en mai de Vladimir Poutine. Moscou ne cesse de parler de privatisation. « En réalité, dans l'énergie notamment, le secteur est de plus en plus dans les mains du public. Les actifs changent de propriétaires mais, au bout du compte, l'Etat renforce sa présence... », ironise un observateur haut placé dans l'énergie à Moscou. Le groupe public Rosneft qui s'empare de la totalité de TNK-BP, cela équivaut à la plus importante nationalisation dans l'industrie russe des ressources depuis une décennie. Et ce rachat donne naissance à un géant totalisant une production de plus de quatre millions de barils équivalent pétrole par jour, soit environ 40% de la production russe.

Cela s'inscrit bien dans la stratégie industrielle de Vladimir Poutine : établir un « champion » dans chaque secteur. Pour l'or noir, c'est Rosneft. Le groupe pétrolier est en fait au coeur de sa politique énergétique depuis l'affaire Ioukos, lorsqu'en 2006 la compagnie pétrolière privée de l'oligarque Mikhail Khodorkovski est passée dans les mains de Rosneft au terme d'une vente aux enchères jugée par les observateurs de « farce ». Groupe public peu réputé pour ses veilles méthodes de management, Rosneft avait alors d'un seul coup triplé sa production. Une opération que le Kremlin est largement soupçonné d'avoir orchestrée. Pour rétablir le contrôle de l'Etat sur le pétrole, pompe financière de toute l'économie russe. Et pour écarter un potentiel adversaire politique, Mikhail Khodorkovski étant en prison depuis 2003 et devant le rester jusqu'en 2016.

Toutes les décisions passent par Vladimir Poutine

Depuis, toutes les grandes décisions énégétiques passent par le bureau de Vladimir Poutine. Président depuis 2000, avec une parenthèse de quatre ans au poste de premier ministre, il connait les dossiers jusqu'aux moindres détails. Maîtrisant les données techniques. Mais surtout contrôlant les visions stratégiques. C'est lui qui, par exemple, a personnellement suivi la construction de Nord Stream, le gazoduc passant sous la Blaltique pour fournir directement l'Europe.

Autre exemple : lorsque fin mars Christophe de Margerie s'est retrouvé dans le bureau de Vladimir Poutine, il « en est sorti avec les idées plus claires qu'en entrant », confie un proche du pdg de Total. En jeu, le principal projet du groupe en Russie : Shtokman, méga gisement gazier offshore dans l'Arctique russe dont l'hypothétique mise en exploitation est désormais entièrement remise à plat. Alors que, chez Gazprom, le groupe public à la tête du projet, toutes les écoles de pensées se croisent et se contredisent, c'est le Kremlin qui aura le dernier mot. Il a déjà tranché sur un choix clef : priorité sera donnée au GNL.

Dans un pays à la structure décisionelle très verticale, la main mise sur les politiques énergétiques ne concerne pas seulement les groupes publics, Rosneft pour le pétrole, Gazprom pour le gaz. « Tout deal doit être béni par le grand chef ! », confirme un négociateur à Moscou pour l'un des principaux groupes français présents en Russie. C'est le cas notamment pour le développement de Novatek, la principale compagnie énergétique privée russe qui s'est associée à Total pour un autre grand projet de GNL en zone arctique. Or l'actionnaire clef de Novatek est Guennadi Tim-tchenko. Un homme d'affaires réputé proche de... Vladimir Poutine.

Sur www.lesechos.fr le 22/10/2012

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