jeudi 18 octobre 2012

Chine: le ralentissement de la croissance de l'économie se confirme

La croissance chinoise a ralenti pour le septième trimestre consécutif, tombant à 7,4 % sur la période courant de juillet à septembre, son plus bas niveau depuis début 2009, selon les données publiées, jeudi 18 octobre, par les statisticiens chinois.

Le premier ministre, Wen Jiabao, a estimé que la deuxième économie mondiale va "continuer à se stabiliser" à mesure que les politiques gouvernementales sont déroulées, quand bien même "la Chine serait confrontée à des difficultés considérables au dernier trimestre". La décélération se poursuit donc, mais le "rythme de déclin ralentit", relève le porte-parole du Bureau national des statistiques, Sheng Laiyun.

Les investissements fixes, mesure des dépenses étatiques dans les infrastructures, progressent de 20,5 % sur les neuf premiers mois de l'année par rapport à l'an dernier, signe que Pékin a effectivement accéléré les projets publics de construction en soutien à la croissance.

La production industrielle, en revanche, ne progresse que de 9,2 % en septembre. Il s'agit, certes, d'une amélioration par rapport au 8,9 % d'août, mais c'est un niveau toujours faible pour les usines locales.

DES CHIFFRES "FAITS PAR L'HOMME"

L'économie chinoise progresse de 7,7 % sur les neuf premiers mois de l'année, alors que le gouvernement s'est fixé un objectif de 7,5 % sur l'ensemble de 2012, une barre généralement placée assez bas pour être atteinte et s'en féliciter par la suite.

Reste la question de la crédibilité de ces chiffres. Le ralentissement en cours a relancé le débat sur leur fiabilité. Li Keqiang, qui succédera à M. Wen à la tête du gouvernement au printemps 2013, avait indiqué, en 2007, qu'il n'accordait que peu d'importance aux chiffres du produit intérieur brut (PIB). Il n'y voyait qu'une "référence" parmi d'autres.

Alors secrétaire du Parti communiste du Liaoning, M. Li avait confié à l'ambassadeur des Etats-Unis à Pékin ne se fier qu'à trois indicateurs pour se faire une idée de l'état économique réel de cette province du nord-est : la consommation d'électricité, le fret ferroviaire et les prêts bancaires.

Les chiffres du PIB sont "faits par l'homme", précisait-il au diplomate lors d'un dîner, selon un télégramme révélé par WikiLeaks en 2010.

CHACUN FAIT DONC SA PROPRE CUISINE

"La probabilité que les statistiques soient manipulées augmente lorsque la situation se détériore puisque ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour les officiels locaux", appuie Yin Xingmin, directeur adjoint du Centre d'études économiques de l'université de Fudan.

"Lorsque l'économie n'est pas en forme, la réalité est pire qu'annoncé dans les chiffres, tandis que lorsqu'elle croît à vive allure dans les chiffres, c'est encore plus rapide en réalité, puisque les objectifs nationaux sont toujours autour de 8 % ou 9 %", poursuit le professeur Yin, qui estime la fiabilité des données sur le PIB à 85 %, car davantage de distorsion serait flagrant.

Chacun fait donc sa propre cuisine. "Nous suivons l'indice PMI de HSBC qui est fiable, plus que le gouvernemental qui est très axé sur les sociétés d'Etat", explique le patron pour l'Asie d'une grande entreprise française. Mais il juge aussi que les statistiques chinoises sont plus fiables qu'ailleurs dans la région, par exemple en Inde.

En complément, beaucoup, tel ce patron français, suivent la consommation d'électricité. Mais, là aussi, les chiffres peuvent jouer des tours. En 1998, puis fin 2008 en pleine crise, la production d'électricité avait plongé pendant des mois tandis que le PIB tenait encore la route...

Dans une note publiée cet été, la banque Standard Chartered relevait une dissonance similaire cette année : "La production d'électricité avait déjà ralenti en avril-mai, mais la production industrielle restait à 10 % de croissance d'une année sur l'autre."

ATTITUDE DU GOUVERNEMENT AMBIVALENTE

L'attitude du gouvernement est ambivalente. Il procède bien à des corrections. "Le Bureau national des statistiques a amélioré sa collecte des données. Il ne s'en remet plus uniquement aux chiffres rapportés mais fait aussi ses sondages nationaux pour s'assurer que les données sont correctes", relève Zhang Jun, économiste de la prestigieuse université de Fudan.

Reste que Pékin, focalisé sur la stabilité, n'aime pas les données anxiogènes. La moyenne nationale sur les prix de l'immobilier a disparu en février 2011. Le gouvernement jugeait qu'elle n'était pas représentative à l'échelle d'un pays si varié. Mais il s'est gardé de présenter un nouvel indice.

Les observateurs en sont réduits à suivre l'évolution de 70 villes, et à compter le nombre d'entre elles qui montent ou descendent : en septembre, 31 étaient en hausse, 24 stables, 15 en baisse, contre 36 en hausse en août.

De même, en février 2011, la révision de l'indice des prix à la consommation s'est faite à la faveur d'une baisse de 2,21 % du poids des produits alimentaires, dont le prix augmentait de manière inquiétante au cours d'une année marquée par l'inflation.

Li Wei, économiste de la Standard Chartered, en conclut : "Les statistiques de la Chine ont des problèmes mais demeurent toujours assez bonnes à titre indicatif et comme objet d'étude, si vous les connaissez bien."

Par Harold thibault sur www.lemonde.fr le 18/10/2012

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