La Turquie a poursuivi jeudi ses bombardements sur la Syrie en riposte aux tirs syriens meurtriers sur le village frontalier d'Akçakale et a sollicité le feu vert de son Parlement pour les poursuivre, faisant ressurgir la menace d'une guerre entre les deux pays.
Au lendemain des premières salves de représailles qui ont frappé les environs du poste-frontière syrien de Tall al-Abyad, juste en face d'Akçakale, l'armée d'Ankara a repris au petit matin ses tirs d'artillerie vers le territoire syrien, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire turque. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), la riposte militaire turque, qui a notamment visé une position de l'armée fidèle au président Bachar el-Assad dans la région de Rasm al-Ghazal, près de Tall al-Abyad, a tué "plusieurs soldats syriens".
Déterminé à ne pas laisser l'attaque syrienne impunie, le gouvernement turc a demandé au Parlement l'autorisation formelle de mener des opérations militaires en territoire syrien au nom de la "sécurité nationale", ainsi qu'il le demande pour bombarder les positions des rebelles séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak. La Constitution turque prévoit que toute opération militaire extérieure doit être autorisée au préalable par le Parlement. Le débat a débuté à huis clos à 10 heures locales (9 heures à Paris) devant l'Assemblée nationale à Ankara, où le parti du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan dispose d'une confortable majorité.
Souveraineté turque
"La Turquie ne cherche pas à faire la guerre, mais elle est parfaitement capable de se défendre contre toute attaque menaçant sa souveraineté", a lancé à la presse, en marge des débats, l'un des vice-présidents du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, Ömer Celik. Dès mercredi soir, le chef du gouvernement turc a fait part de sa détermination à riposter après le bombardement qui, selon un dernier bilan, a tué cinq personnes et fait une dizaine de blessés à Akçakale, récent théâtre de combats entre les troupes fidèles au régime du président Assad et les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL)."La Turquie ne laissera jamais impunies de telles provocations du régime syrien, qui menacent notre sécurité nationale, dans le respect du droit international et de ses règles d'intervention", a tonné Recep Tayyip Erdogan à l'issue d'une réunion d'urgence avec ses conseillers. Après plusieurs incidents de frontière ces dernières semaines autour d'Akçakale, le bombardement de mercredi a suscité une intense émotion en Turquie et a fait immédiatement remonter la tension avec son voisin.
En juin dernier, le ton était déjà monté entre les deux capitales après la destruction d'un avion de chasse turc par la défense antiaérienne syrienne. Mais les menaces de représailles d'Ankara, qui appelle depuis des mois au départ du président Assad, étaient restées sans suite. L'incident d'Akçakale a été fermement condamné par les États-Unis et par l'Otan, qui ont affiché une solidarité sans faille avec Ankara, un des 28 pays membres de l'Allliance atlantique.
Condamnation unanime
Un porte-parole du Pentagone a vu dans cet incident un "exemple du comportement dévoyé" du régime syrien et, dès mercredi soir, le Conseil de l'Otan s'est réuni en urgence à Bruxelles pour sommer la Syrie de "mettre un terme à ses violations flagrantes du droit international". Les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU, saisis par la Turquie, devaient, eux, publier jeudi une déclaration condamnant vigoureusement les tirs syriens et demandant à Damas de respecter le territoire de ses voisins. Cette déclaration devait être entérinée dès mercredi soir, mais à la dernière minute, la Russie, fidèle alliée du régime syrien, a demandé que son adoption soit reportée à 16 heures (à Paris). La Russie, qui s'est systématiquement opposée jusque-là à toute condamnation de Damas, pourrait entre-temps proposer des modifications au texte ou même lancer l'idée d'une enquête internationale sur cet incident, selon un diplomate.Mercredi soir, le ministre syrien de l'Information, Omran Zoabi, a annoncé l'ouverture d'une enquête sur l'origine des tirs venus qui ont frappé le village d'Akçakale et a présenté les condoléances de son pays "aux familles des victimes et à (leurs) amis, le peuple turc". La détérioration de la situation entre Ankara et Damas le long de leur frontière commune a largement occulté le reste de la situation en Syrie.
Les combats que se livrent depuis fin juillet rebelles et forces gouvernementales pour le contrôle de la ville d'Alep (nord de la Syrie) se sont poursuivis jeudi, au lendemain d'un triple attentat à la voiture piégée qui a fait au moins 48 tués, en majorité des militaires, et une centaine de blessés. En outre, selon l'OSDH, dix-huit membres de la force d'élite de la garde républicaine ont été tués jeudi matin à Qoudsaya, une banlieue ouest de Damas, par une explosion suivie d'échanges de tirs.
Sur www.lepoint.fr le 04/10/2012
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