mercredi 24 octobre 2012

La visite à Gaza de l'émir du Qatar renforce le Hamas

 
"Une visite historique et bénie" : c'est par ces mots qu'Ismaïl Haniyeh, premier ministre du Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza, a accueilli, mardi 23 octobre, l'émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani. "Aujourd'hui, vous annoncez officiellement la levée du blocus politique et économique imposé à la bande de Gaza", s'est réjoui M. Haniyeh. Le Mouvement de la résistance islamique n'a pas lésiné pour rendre cette première visite d'un chef d'Etat étranger dans le territoire – depuis qu'il y a pris le pouvoir en 2007 –, en tous points mémorable.
 
Tapis rouge, garde d'honneur, hymnes et drapeaux nationaux, rues pavoisées, chanson titrée Merci Qatar diffusée en boucle à la radio... Tout a été fait pour souligner que le Hamas n'est plus un mouvement pestiféré, au moins pour le chef de l'Etat de la très riche monarchie du Golfe, qu'il est même légitime. La démonstration ne pouvait que provoquer la colère de Mahmoud Abbas, qui dirige le Fatah et l'Autorité palestinienne, et d'Israël.

Car en décidant d'apporter sa caution au Hamas, dont les dirigeants sont soigneusement ignorés lors des très rares visites à Gaza de représentants de gouvernements étrangers, l'émir Hamad Al-Thani a choisi son camp entre les frères ennemis du mouvement palestinien, puisqu'il a de facto affaibli la légitimité de M. Abbas, lequel s'efforce de maintenir l'illusion que son autorité s'exerce non seulement en Cisjordanie, mais aussi à Gaza.

Crise financière

Ce faisant, il a pris le risque d'accentuer la séparation politique entre les deux entités supposées être réunies un jour dans un seul Etat palestinien, alors même qu'un accord de réconciliation entre les deux mouvements – il est vrai mort-né – avait été signé à Doha, en février 2012. Le président de l'Autorité palestinienne avait récemment accusé M. Haniyeh de vouloir instaurer un "émirat islamique" à Gaza, et c'est ce qui est en train de se passer. Le Fatah, le parti dominant de l'Autorité palestinienne, a stigmatisé cette attitude : "Rechercher un pouvoir politique dans la région au détriment des droits et de l'unité du peuple palestinien est inacceptable."

Le soupçon des dirigeants palestiniens de Cisjordanie est que le Qatar, grâce à sa force de frappe financière, cherche à étendre son influence régionale en privilégiant les partis issus du courant des Frères musulmans, comme le Hamas. De ce point de vue, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, a donné des gages de ses bonnes intentions.

Alors qu'il avait promis une aide financière de 254 millions de dollars (196 millions d'euros) pour la reconstruction de Gaza, il a porté mardi le montant de cette manne à 400 millions de dollars, ce qui, à l'échelle de Gaza, représente un investissement considérable.

Celui-ci servira à financer 3 000 logements ainsi que des infrastructures routières. De son côté, l'Autorité palestinienne se débat dans une grave crise financière, notamment faute d'avoir reçu l'aide promise par plusieurs pays arabes, au premier rang desquels l'Arabie saoudite et le Qatar : il lui manque quelque... 400 millions de dollars pour honorer ses échéances budgétaires en 2012 !

Par Laurent Zecchini sur www.lemonde.fr le 24/10/2012

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